IMPACT DE LA COVID-19 SUR L’UEMOA
La longue marche vers la convergence rompue
Par Amadou FALL*
L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine œuvre depuis son institution en 1994, et même bien avant, à la convergence financière, fiscale, économique, monétaire etc., de ses pays membres. Le chemin à été long et difficile ; elle était tout de même en passe d'aboutir, au regard des performances accomplies ces dernières années et qui faisaient croire que la phase de stabilité pourrait être engagée en cette année 2020. Mais la pandémie de la Covid-19 est venue rompre cette longue marche, tout remettre en cause.
Les projections les plus pessimistes, tout particulièrement celles de l’Organisation Mondiale de la Santé avant quelle ne se ravise, estimaient à des millions de morts les ravages de la pandémie de la Covid-19 en Afrique. Ces prédictions on ne peut plus alarmistes, qui ressortent, cette fois encore, beaucoup du dessein d'amasser de l'argent sur le dos des Africains, que de leur venir réellement en aide, sont fort heureusement loin de s'avérer au vu des tendances du fléau sur le continent. Mais le mal n'en est pas moins inquiétant.
Dans l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, deux mois après sa sortie de la Chine et de l'Europe, il avait affecté 3200 personnes et fait 105 morts, soit un taux de létalité de 3,3%, à la date du 26 avril 2020. Ailleurs, hors d’Afrique et dans le reste du monde riche, l'hécatombe a continué de stupéfier. Il était d'emblée clair que la crise sanitaire pourrait certes rester sérieuse dans la région ouest africaine sur la durée, mais pas outre mesure, que c'est plutôt au plan économique qu'elle risquait d'y avoir le plus d’impact. Et que le combattre sur tous les plans requérait énormément de moyens.
IMPACT DE LA COVID-19 SUR L'UEMOA, À LA DATE DU 06 JUIN 2020
Pays |
Nombre de cas |
Nombre de décès |
Taux de létalité % |
Bénin |
243 |
3 |
1,23 |
Burkina Faso |
883 |
53 |
6,00 |
Côté d'Ivoire |
2.951 |
33 |
1,27 |
Guinée Bissau |
1.339 |
8 |
0,59 |
Mali |
1.315 |
78 |
5,93 |
Niger |
958 |
64 |
6,68 |
Sénégal |
3.739 |
42 |
1,11 |
Togo |
443 |
13 |
2,93 |
TOTAL |
11.871 |
294 |
2,47 |
Source : World Heath Organization, Region Office for Africa
En session extraordinaire par visioconférence, le lundi 27 avril 2020, les Chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA ont admis que la poursuite de la pandémie, jusqu'à la fin de l'année, pourrait faire entrer les économies de la zone en récession et réduire de façon significative la capacité des différents États à lutter contre la pauvreté et le terrorisme. Elle pourrait ainsi entrainer la réduction du taux de croissance régional de près de 4 %, lequel descendrait à 2,7 % contre 6,6 % initialement prévus.
Leurs experts ont évalué à 5.284,9 milliards de FCFA, les ressources financières à mobiliser nécessairement « en vue de limiter l’impact de cette crise sanitaire sur les populations, l’emploi et le secteur productif », selon le communiqué final qui a sanctionné le sommet. Les plafonds d'endettement fixés à 70% du PIB de chaque État sautent conséquemment, parce qu'il faut nécessairement aller chercher l'essentiel des ressources additionnelles requises à l'extérieur. Il en résulterait une aggravation du déficit budgétaire dons compris qui monterait à 5,5% du PIB alors que la norme communautaire est qu’il doit être inférieur ou égal à 3%. Les déficits publics pourraient même se creuser encore plus, car en plus des dépenses nouvelles et imprévues occasionnées par le Covid-19, les habituelles charges de fonctionnement et dépenses d'investissement incompressibles vont demeurer, alors qu'on assistera à une baisse inéluctable des recettes fiscales, dans tous les États. Et compte tenu des limites imposées à la production et aux échanges internes et avec l'extérieur l'inflation va rebondir bien au dessus de 3%.
En somme, la pandémie pose une sérieuse hypothèque sur le Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité mis en place depuis 2015 pour parvenir à une harmonisation des indicateurs macroéconomiques, fin 2019, impose un taux d’inflation annuel moyen à 3%, et des plafonnements, dès le 1er janvier 2020, du déficit budgétaire de chaque Etat à 3% de son PIB et du ratio d’endettement à 70%.
Les chefs d'État et de gouvernement de l’Union n'ont finalement pas eu d'autres choix que de suspendre provisoirement sa mise en œuvre, pour renforcer les mesures d’urgence prises par les pays membres afin de limiter les effets de la pandémie sur les plans humain, économique et social et dans l'optique de « préserver un environnement favorable à une reprise de l’activité économique après la crise sanitaire ». Leur décision est d'ailleurs conforme à l'esprit et à la lettre de l’article 22 de l’Acte additionnel au Traité de l’UEMOA prévoyant des circonstances exceptionnelles pouvant empêcher les États membres de respecter les critères de convergence, notamment celui relatif au déficit budgétaire.
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A tout-petits pas dans les premiers moments….
Dans le meilleur des mondes, les économies les plus pauvres finiraient par rattraper celles les plus riches. La résorption de l’écart entre leur niveau de développement résulterait alors de politiques économiques idéalement convergentes. Mais, pour qu'il en soit ainsi, faudrait-il que les intérêts de tous aillent dans le même sens. Ce qui est loin d'être le cas.
L’idéal se cultive plutôt à l'échelle des ensembles régionaux. La convergence requise des pays qui s'intègrent doit résulter du respect, à terme et par tous, de critères spécifiques de mise en cohérence financière, fiscale, économique, monétaire etc., aux fins de stimuler harmonieusement leur développement dans un cadre communautaire. Cela requiert la mise en œuvre de mécanismes de surveillance multilatérale destinés à garantir la conformité des politiques nationales avec les objectifs préalablement fixés, pour l'ensemble d'une Union.
À cet égard, s’il est une constante dans la longue marche de la région ouest africaine francophone vers l'intégration, c’est bien sa quête inlassable de convergence. C’est une démarche dont les pays de cet espace ont compris l'exigence, bien avant que leur union, qui était monétaire des indépendances à 1994, ne cherche à devenir économique et monétaire. Cette nécessité avait commencé à être ressentie comme impérative dès les premières années quatre-vingt, marquées dans les Etats membres par les mauvaises performances internes en termes de production et de compétitivité, la dualité entre la monnaie unique et des politiques budgétaires et fiscales divergentes, la détérioration des finances publiques aggravée par les chocs externes dont l'effondrement des cours des matières premières sources essentielles de recettes d'exportation, l’alourdissent de la dette.
Dans ce contexte de crise exacerbée, l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), créée le14 novembre 1973, opta pour la mise en cohérence des politiques budgétaires nationales avec la politique monétaire commune, en instituant un Conseil de convergence, mais seulement en 1992. Dans ce cadre, le Conseil des Ministres de l'Union édicta, en septembre1993, cinq (5) indicateurs de convergence assortis de valeurs critiques, et qui ne sont pas sans rappeler les critères de convergence fixés par le Traité de Maastricht pour l'entrée dans l'Union Européenne.
Ce sont :
- le ratio masse salariale/recettes fiscales =50 % ;
- le ratio investissements publics financés sur ressources internes/recettes fiscales > 20 % ;
- le ratio solde budgétaire de base/recettes fiscales > 15 % ;
- la variation nette des arriérés de paiement intérieurs = 0 % ;
- la variation nette des arriérés de paiement extérieurs = 0 %.
Les indicateurs afférents aux politiques budgétaires impliquaient des actions de rationalisation dont la première consistait à poursuivre les efforts de mobilisation des ressources intérieures par une réduction des exonérations fiscales, un élargissement des bases taxables, une rationalisation et une simplification de la fiscalité, et un meilleur recouvrement des recettes fiscales. En deuxième lieu, il s’agissait de réduire le poids de la masse salariale dans les dépenses publiques afin d'accroître la part des recettes publiques affectées à l’investissement nécessaire à la réalisation des infrastructures socio-économiques de base et à l'amélioration de la qualité des services publics. En relation avec les partenaires extérieurs au développement, l'enjeu était également d'alléger le fardeau de la dette extérieure et intérieure, en mettant les Etats dans l'obligation de réduire les stocks existants et ne pas accumuler de nouveaux arriérés de paiements. Enfin, il se devait de respecter strictement des programmes d'ajustement structurel conclus avec les institutions de Bretton Woods afin d'assurer la mobilisation régulière des ressources extérieures.
Ces injonctions découlaient certes de directives communautaires. Mais, pour les Etats pris individuellement, elles ne pouvaient être que des orientations générales, surtout dans ce contexte où l'intégration était encore balbutiante et où les domaines de souveraineté économiques et financières étaient très sensibles. La latitude leur était donc tacitement laissée de déterminer les moyens d'exécution des politiques économiques et budgétaires attendues d’eux par la jeune institution qu'était l'UMOA.
Ensuite, par la prudence, le réalisme et le bon sens dont l'UMOA a fait montre, elle a été bien inspirée. Composée de pays présentant de fortes disparités économiques et étant la première institution africaine sous régionale du genre, elle ne pouvait que définir, à ce stade, un cadre général et global dans lequel chaque Etat, en fonction de ses capacités économiques, se définirait les moyens censés lui permettre de contribuer à la réalisation des objectifs communautaires.
Toujours est-il qu’il n’y eut véritablement pas d’avancées vers la convergence dans le contexte de l'UMOA jusqu'à la dévaluation du franc CFA en 1994.
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Des obstacles difficiles à franchir
L'expérience capitalisée dans le contexte de l'UMOA sera mise à profit dans la mouvance de l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine portée sur les fonts baptismaux, le 10 janvier 1994, à la veille de la dévaluation du Franc CFA, aux fins de compléter et d'élargir l’UMOA dans le sens de l'institution d'un véritable espace économique intégré.
C’est dans cette perspective qu'en termes de convergence, les cinq critères précédemment définis ont été maintenus, mais en y introduisant des modifications par le biais de trois directives édictées par le Conseil des Ministres de l'Union, en 1996, 1997 et 1998.
La grande innovation à été l'introduction du du taux d'inflation parmi les critères de convergence, car sa maîtrise dans une Union ayant une monnaie unique et une politique monétaire communes, est un gage pour la stabilité. Ce taux était d'abord fixé à un niveau <5% en 1997. Il a ensuite été porté à 3 % en 1998 et 1999, compte tenu de l'amélioration observée dans sa maîtrise par les Etats.
Le ratio masse salariale/recettes fiscales avait été fixé à un niveau <50 % en 1997. Il a été ramené à un seuil < 40 % pour les années 1998 et 1999. Cette austérité peut s'expliquer sans doute par les bonnes performances réalisées par la plupart des Etats membres qui ont réussi à maîtriser l'évolution de leur masse salariale, dans cette période post-dévaluation de plus grande austérité budgétaire.
Les autres ratios définis dans l'UMOA ainsi que leurs valeurs critiques ont été maintenus comme tels dans l'UEMOA, puis élargies et hiérarchisée par la suite, par une directive de 1996, deux années après la Dévaluation, mais surtout par la réforme introduite en 1999.
Le Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre Etats membres de l'UEMOA adopté par son Conseil des ministres le 8 décembre 1999 est venu compléter le dispositif de surveillance multilatérale des politiques économiques. Il était défini comme un engagement de la part des Etats membres, de renforcer la surveillance de leurs politiques à travers la mise en œuvre et l'évaluation des programmes pluriannuels de convergence, de croissance et de solidarité et d'un mécanisme de sanctions. Il vise notamment à renforcer la convergence des économies des Etats membres, à conforter la stabilité macro-économique, à accélérer la croissance économique et enfin, à approfondir la solidarité entre les Etats membres.
La réforme avait ainsi maintenu les critères existants, mais surtout opéré de grands changements dans le dispositif de surveillance multilatérale.
Ainsi, quatre nouveaux critères firent leur apparition. Ce sont :
- le ratio du solde budgétaire de base/PIB nominal = 0 % en l'an 2002 ;
- le ratio de l'encours de la dette intérieure et extérieure/PIB nominal =70 % en l'an 2002 ;
- le ratio du déficit extérieur courant hors dons/PIB nominal =5 % en l'an 2002 ;
- le taux de pression fiscale =17 % en l'an 2002.
On note que les critères : solde budgétaire de base, encours de la dette intérieure et extérieure, déficit courant hors dons ont ainsi été rapportés au PIB nominal qui est la mesure même de la richesse d'un pays. Cela revient, en quelque sorte, à vérifier la soutenabilité de la dette, et à mesurer la capacité de la production de richesse à faire face au problème de la dette. C'est en somme mesurer la solvabilité des Etats.
Ensuite, l'introduction du taux de pression fiscale comme indicateur de convergence répondrait au souci de mesurer la contrainte exercée par l'ensemble des impôts sur les citoyens relativement à la richesse du pays.
Autre innovation, le ratio masse salariale/recettes fiscales qui devait être d'abord <50 %, puis à 40 %, a été ramené à 35 %.
Il y a également que les critères de convergence ont été hiérarchisés, pour la première fois. L’on a alors commencé à distinguer ceux de 1er rang des critères de ceux de 2nd rang.
Les critères de 1er rang, déterminants quant à la crédibilité même de l'économie des Etats et de l'Union vis à vis de l'extérieur, étaient :
- un ratio du solde budgétaire de base/PIB nominal = 0 % en l'an 2002 ; c’est le critère clé. Il était d'autant plus important que les Etats étaient tenus de dégager un minimum d'excédents pour, non seulement rembourser les dettes mais, aussi mener des actions de développement.
- un taux d'inflation annuel moyen : 3 % par an ;
- un ratio de l'encours de la dette intérieure et extérieure/PIB nominal = 70 % en l'an 2002 ;
- la non-accumulation d'arriérés de paiement intérieurs et extérieurs sur la gestion de la période courante.
Les critères de second rang dont le non‐respect n’entraîne pas la formulation de recommandations particulières étaient :
- le ratio masse salariale/recettes fiscales < à 35 %
- le taux de pression fiscale =17 %
- le ratio du déficit extérieur courant hors dons/PIB nominal
Contrairement à l'UMOA et à l'UEMOA d'avant le Pacte de convergence, les critères contenus dans celui-ci ont un objectif triennal, et non plus annuel.
Dans le principe, la mise en pratique du Pacte devait suivre deux phases, l'une de Convergence, l'autre de Stabilité.
Dans sa phase de convergence qui allait du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 les Etats membres devaient satisfaire à tous les critères fixés, s’obligeant ainsi donc à élaborer et exécuter des programmes pluriannuels à même de leur permettre d'atteindre cet objectif, sur le moyen Ces programmes pluriannuels font l'objet d'une évaluation semestrielle par la Commission.
La stabilité était envisagée pour 2003 et les années suivantes, dès lors que la convergence des politiques et performances économiques était acquise. Elle consisterait à consolider les acquis. Dans cette ultime phase, l'amélioration continue des critères ne serait plus imposée, mais les Etats membres continueraient à mettre en œuvre des programmes visant à maintenir une situation budgétaire équilibrée ou excédentaire, et à stimuler la croissance et le développement, dans la solidarité communautaire.
Mais, à cette époque, il y avait loin de la coupe aux lèvres, car les objectifs de convergence n'avaient point été atteints et, à tout le moins, la stabilité. En effet, de 2000 à 2010, le nombre de pays ayant respecté en même temps l’ensemble des critères de premier rang n’a presque jamais dépassé deux. Pour les années 2011, 2012 et 2013, il n’y a qu’un seul pays sur huit qui est arrivé à respecter les quatre critères de premier rang en même temps (rapport 2014 de la surveillance multilatérale de la Commission de l’UEMOA). De cause à effet, l’horizon de convergence, initialement fixé au 31 décembre 2002, a successivement été repoussé à 2005, puis à 2008 et après en 2013.
Le Conseil des ministres de l’Union expliquait, à juste raison, cette contre-performance d'ensemble, par l'insuffisance des réformes nécessaires à la réalisation des objectifs de convergence, l'instabilité sociopolitique grandissante depuis la crise ivoirienne, la faiblesse des taux de croissance d'économies dépendantes des exportations de produits de base dont les cours fluctuants étaient au plus bas, de surcroit victimes régulières d’aléas climatiques. Il fallait également prendre en compte le manque de réalisme quant aux seuils fixés mais également de la non-adaptation des critères aux contextes des pays de l’UEMOA.
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Des perspectives plutôt favorables, par la suite, mais...
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine rectifièrent le tir, à travers le dispositif de surveillance multilatérale de la convergence, adopté lors de leur session ordinaire du 19 janvier 2015 à Cotonou. Comme précisé dans leur Déclaration conjointe, la réforme répond à la nécessité «d'accélérer le processus d‘intégration de l’Union » et de «consolider les performances des politiques économiques, budgétaires et d’endettement public», en s’appuyant sur des «critères de convergence pertinents». Les nouvelles règles de convergence ont ainsi été centrées sur un plus petit nombre de critères, simples, compréhensibles et rationnels.
A cet effet, cinq critères de convergence dont trois de premier rang et deux de second rang ont été retenus.
Le critère clé, dans ceux du premier rang, est le Critères de 1er rang est le ratio du solde budgétaire global, dons compris, rapporté au PIB nominal. Il doit être supérieur ou égal à -3% en 2019.
Il remplace l’ancien qui portait sur le solde budgétaire de base. Il a l’avantage de permettre d’avoir une appréciation globale du budget de l’Etat. Il aide à évaluer le besoin d’endettement de l’Etat et est l’indicateur le plus couramment utilisé pour évaluer la position budgétaire d’un pays.
Le deuxième critère de 1er rang est le taux d’inflation annuel moyen. Il doit être de 3% au maximum, par an. Il est conforme a à la moyenne communautaire dans la plupart des Etat sur la période 2000-2012. Mais le problème est que l’inflation observée dans l'Union est largement importée et dépend souvent des chocs exogènes.
Le troisième est un ratio de l’encours de la dette intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal d'au plus 70%, en 2019. La totalité des Etats de l’union étaient arrivés à cette fin, dans les années 2011-2013, aidés en cela par les allègements de dette obtenus dans le cadre des initiatives Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). Les arguments qui militent en faveur de ce taux de 70% sont relatifs aux besoins importants des Pays de l'Union en investissement pour résorber, à tout le mois, réduire leurs déficits infrastructurels.
Les deux critères de 2nd rang font partie de l'éventail antérieur ; ils ont été reconduits tels quels. Ce sont le ratio de la masse salariale sur les recettes fiscales qui ne doit pas excéder 35% en 2019 et le taux de pression fiscale qui doit être supérieur ou égal à 20% en 2019.
Quid des résultats ?
Selon le Rapport d'exécution de la surveillance multilatérale de 2018, au terme de cet exercice, aucun Etat n’a respecté les trois critères de premier rang. S’agissant spécifiquement du critère clé, (ratio du solde budgétaire global, dons compris, rapporté au PIB nominal), seul le Togo l'a a respecté. Par Etat, des fortunes diverses sont notées : Bénin (-4,0%), Burkina Faso (-4,9%), Côte d’Ivoire (4,0%), Guinée-Bissau (-5,1%), Mali (-4,7%), Niger (-4,1%), Sénégal (-3,7%) et Togo (-0,8%).
En revanche, tous les États membres ont respecté le critère relatif au taux d'inflation, en 2018. Par pays, le taux d’inflation se présente comme suit : Bénin (0,8%), Burkina Faso (1,9%), Côte d’Ivoire (0,6%), Guinée-Bissau (0,4%), Mali (0,0%), Niger (2,7%), Sénégal (0,5%) et Togo (0,9%).
Pour ce qui est du ratio de l’encours de la dette intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal, inférieur ou égal à 70%, seul le Togo avec un taux de 73,9% n’a pas respecté ce critère. Par pays, ce ratio est de 56,2% pour le Bénin, 42,3% pour le Burkina Faso, 48,6% pour la Côte d’Ivoire, 50,1% en Guinée-Bissau, 36,6% au Mali, 45,4% au Niger et 54,0% au Sénégal.
Concernant les critères de second rang, seuls deux Etats ont eu un ratio masse salariale sur recettes fiscales en dessous de 35%. Il s’agit du Niger (34,7%) et du Sénégal (34,3%). Pour les autres Etats membres, le ratio varie entre 52,1% (Burkina Faso) et 36,6 (Togo).
Quant au taux de pression fiscale aucun Etat n’a respecté ce critère en 2018. Par Etat membre, la situation se présente comme suit : Bénin (14,1%), Burkina Faso (17,2%), Côte d’Ivoire (16,2%), Guinée-Bissau (9,3%), Mali (11,8%), Niger (15,2%), Sénégal (15,2%) et Togo (18,4%). Selon la Commission de l’UEMOA, le Togo serait le seul Etat à respecter ce critère en 2019.
Certes tous les Etats n'avaient pas, en 2018, rempli tous les critères de convergences,. Toujours est-il que les avancées réalisées en ce sens ont été fort appréciables. Ils ont été quasiment en règle avec l’inflation et l'endettement. Ils n'ont pas été loin des normes fixées en termes de déficit budgétaire, de masse salariale et de pression fiscale.
L’horizon de convergence ayant été projeté sur 2019, les prévisions des responsables de la Commission de l’UEMOA indiquaient que tous les Etats membres respecteraient les trois critères de premier rang, tout comme celui de second rang relatif à l'inflation, mais avec une réserve sur la masse salariale.
Leur optimisme était à la mesure des bonnes performances que l’Union réalise depuis quelques années et qui se sont traduites par un taux de croissance global au dessus de 6%, notamment en 2017 et 2018. Cette tendance positive était soutenue par une bonne tenue de l’activité économique qui a bénéficié de l’évolution favorable de la production agricole, du dynamisme des BTP et du maintien des performances au niveau des transports et communications.
Toujours est-il que ces avancées pouvaient, à tout moment, être remises en question (comme c'est le cas avec la Covid-19) , eu égard à la vulnérabilité persistante des économies de la sous-région aux chocs résultant de l’instabilité des prix mondiaux des produits de base, des calamités naturelles ou sanitaires et, de plus en plus, de la crise sécuritaires dans la zone du Sahel ainsi que les revendications corporatives et syndicales dans presque tous les Etats membres. Pour prétendre à la stabilisation en 2020, comme prévu par le Pacte de convergence, il importait que les Etats membres prennent très au sérieux ces facteurs handicapants, en veillant davantage à la bonne gestion des finances publiques, accordant une attention soutenue aux investissements structurants mais également productifs, dans l'optique d'œuvrer davantage à l’accélération de la croissance économique et du développement social des pays et de l'Union, dans son ensemble.
La pandémie de la Covid-19 est
arrivée pour tout chambouler. Elle sera certainement demain un autre mauvais souvenir. Mais il en restera, hélas, de graves séquelles...
(*) Historien – journaliste
Ancien Directeur des rédactions de la SSPP « Le Soleil »
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REFERENCES
- Jean Pierre Fouda Owoundi La convergence des politiques économiques dans la zone franc : où en est-on 15 ans après ?
- Souleymane DIARRA Dynamique de Convergence dans la Zone UEMOA : du Pacte de 1999 aux Nouveaux Critères de 2015
- Rapport de la surveillance multilatérale de la Commission de l’UEMOA – 2014
- Rapport semestriel d'exécution de la surveillance multilatérale – Juin 2019
- Communiqué conjoint du Sommet en visioconférence des chefs d'Etat et de gouvernement des États de l'UEMOA du 27 avril 2020
- Covid-19, WHOAFRICAUPDATE 02.06.20, World Heath Organization, Region Office for Africa.
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