AMICALE DES ANCIENS DE L'ECOLE NORMALE WILLIAM PONTY

Devrions nous laisser le monopole de la parole aux seuls experts ? Seraient-ils devenus si infaillibles qu'on devrait les écouter comme des augures ? Ont-ils toujours la réponse à nos preoccupations ?

En créant ce concept d'ultracrepidarianisme qui stipulerait que chacun ne s'exprime que sur un sujet qu'il maîtrise, les experts voudraient se transformer en caste de sachants, en caste de Brahmans, en caste de prêtres des temps modernes et condamner,  du même coup, au mutisme l'ensemble de la population. 

Rarement sur une question, on a l'unanimité des experts. Que faire, s'il faut agir ? L'expérience montre que l'action nécessaire sera alors menée par des non experts, munis  uniquement de leur bon sens. 

Les certitudes des experts sont souvent conditionnelles. En effet, elles découlent d'hypothèses plus ou moins heureuses. Il n'est pas rare qu'il ait un abîme entre leurs prévisions et la réalité. Tel expert, dans les années 1900, soutenait que la voiture ne devrait pas dépasser les 20km/h, tel autre n'avait-il pas prédit des embouteillages gigantesques de calèches à Paris vers les années 50 ? L'avenir a tranché, les voitures dépassent allègrement les 100km/h, les chevaux ont depuis longtemps disparus des rues de Paris. 

Quand un problème nouveau se pose, l'expert veut disposer d'un certain temps pour cerner le problème alors que la situation exige une réponse rapide. Que les voix d'honnêtes hommes de leur siècle s'expriment pour refuser telle ou telle solution, rien de plus normal. Dans ce cas de figure, le bon sens, qui est la chose la mieux partagée dit-on, prend le relais. Une solution acceptable ne pourra que surgir de ce foisonnement d'avis. 

Est-ce à dire que les experts ne sont pas utiles ? 

Dans certains domaines, ce serait une folie de vouloir se passer de leurs services. L'on écoutera évidemment l'avis de l'architecte, du médecin, de l'avocat, du comptable, de l'ingénieur agronome. 

Mais leurs avis, aussi utiles soient-ils, ne sont que des conseils : la décision appartiendra toujours au non-expert.

Que les experts veuillent se réserver un pré-carré, en emballant leur prétention avec ce mot savant d'ultracrepidaranisme, nous les comprenons. Mais, nous les honnêtes hommes de ce siècle, refusons le musellement qu'ils veulent nous imposer.

Que cela leur déplaise ou pas, nous parlerons et nous continuerons de parler de tout ce qui nous touche. Pour notre plus grand bonheur !

(*) Oumar Diop Gonz est de la promotion 1970