Balayons d'abord devant notre porte avant de... - Par Oumar DIOP GONZ
On dit, à juste raison, que le nombre d'élèves dans les filières scientifiques diminue fortement en proportions.Les causes sont multiples. Citons en deux ,qui mettent sur la sellette les professeurs de Sciences Physiques et les professeurs de Mathématiques.
A tout seigneur, tout honneur, balayons d'abord devant notre porte, nous les professeurs de Sciences Physiques.
Nous pêchons surtout dans la résolution d'exercices, en privilégiant les raccourcis au cheminement raisonné.
Donnons un exemple pour mieux nous faire comprendre .
Voici un exercice sur les circuits (R, L) en Terminale S où l' on demande d'établir l'équation differentielle du circuit.
J'indique les étapes de la résolution de cet exercice pour la plupart de mes collègues Physiciens.
Ils orientent le circuit, ils indiquent les tensions par des segments fléchés (avec la convention récepteur, sans le signaler, souvent) ; ils appliquent une règle mnémotechnique. Ils font appel aux différentes lois d'Ohm et obtiennent finalement le résultat.
Cette façon de procéder a le mérite d'être rapide, mais elle a un défaut rédhibitoire, celui de rendre implicite l'application de règles fondamentales.
D'ailleurs, à certains concours comme Santé Militaire, cette façon de procéder peut conduire à l'échec, quand le libellé du sujet prend à contre pied les hypothèses implicites du type de résolution préféré des collègues.
La méthode, valable toujours ( du Bac au Doctorat), c'est d'orienter le circuit, de nommer les extrémités des dipôles par des lettres qui permettront de distinguer les tensions, d'utiliser la loi d'additivité des tensions, d'appliquer les lois d'Ohm, et enfin d'établir l'équation differentielle.
Cette deuxième méthode utilise de manière réfléchie les règles qui régissent ce genre de phénomène, de façon transparente, sans sous-entendus. Contrairement à celle qui est la plus répandue dans la profession.
L'exemple que je viens de développer n'est pas unique. Il y en a des dizaines, tant en Physique qu'en Chimie.
Ce genre de pratique, la résolution d'exercices avec des sous-entendus et des règles mnémotechniques, se traduit chez l'élève par un désintérêt par rapport à son cours car il ne voit plus le lien entre celui-ci et les exercices. A la longue, sa capacité de raisonner s'émousse.
Après avoir un peu balayé devant notre porte, jetons un gros caillou dans le pré du voisin, notre cousin, le professeur de Mathématiques.
Pour nous les Physiciens, les professeurs de Mathématiques sont nos cousins paternels, sougnou domou badiène. Faut pas fâcher, comme disent nos frères Ivoiriens.
Que reprochons nous aux Mathématiciens ? Les mêmes griefs : l'utilisation abusive des sous-entendus, des règles mnémotechniques, à la place de l'usage réfléchi des règles. Et un autre grief qui me tient particulièrement à cœur : le fait de négliger les énoncés nécessitant une mise en équation.
Que les Mathématiciens ne me disent pas qu'ils font des mises en équation en 3ème.Ce n'est pas seulement là où il faut le faire, mais dans toutes les classes, de la 6eme à la Terminale !
Prenons un exemple pour illustrer notre propos sur les deux premiers griefs.
Soit l'exercice qui consiste à résoudre dans R l'équation 3 x+ 2=0
La plupart de nos cousins mathématiciens commencent par transposer 2 , pour obtenir 3x= -2, pour finalement donner le résultat, qui est, je crois, x= -2/3.
Je fais remarquer que cette transposition est une règle mnémotechnique et que le résultat est obtenu après l'application implicite d'une règle.
Indiquons le cheminement que nos cousins n'auraient jamais dû laisser.
Ce genre d'exercice se résout avec 2 règles sur l'égalité que j'énonce comme suit :
Dans l'ensemble des nombres réels R, l'égalité ne change pas
1) si on ajoute à chaque membre le même nombre . Dans notre exemple, ce sera (-2)
2) si on divise chaque chambre par un nombre non nul. Dans notre cas, par 3, qui est non nul, comme tout le monde le sait.
L'élève qui resout cet exercice, avec la méthode préférée de nos cousins, ne se rend même pas compte de l'utilité des règles qui sont pourtant bien dans son cahier.
Cet exemple n'est pas unique, il y en a bien d'autres, en Algèbre, en Analyse, en Géométrie.
Dans les deux cas, que cela soit en Sciences Physiques ou en Mathématiques, la résolution d'exercices exige l'énoncé clair des règles qu'on applique sinon on étouffe la capacité de raisonner de l'élève.
Concluons en reconnaissant notre part de responsabilité dans la désaffection des élèves pour les filières scientifiques. Car, à force de préférer les méthodes dites rapides, nous ( professeurs de Sciences Physiques et de Mathématiques) finissons par entraver l'éclosion de l'esprit scientifique chez nos apprenants.
Oumar Diop Gonz est de la Promotion 1970
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