LES LANGUES NATIONALES À L’ÉCOLE AU SÉNÉGAL ET DANS LES PAYS D’AFRIQUE FRANCOPHONE SUBSAHARIENNE : ARGUMENTS ET CONDITIONS DE RÉUSSITE -- Par Modou NDIAYE*
Introduction
Au Sénégal, comme dans la plupart des pays francophones d’Afrique subsaharienne, le système éducatif est confronté au défi de la qualité des enseignements-apprentissages. Les compétences en langue française comme dans les autres disciplines demeurent relativement faibles. Ce qui se traduit par des taux de réussite bas aux examens et une grande déperdition le long du parcours scolaire. Plusieurs réformes ont pourtant été engagées en vue de relever cette qualité des enseignements. Différentes évaluations confirment, cependant, la vanité de ces réformes. Celles du PASEC (Confemen, 2015) , par exemple, placent le niveau de fin d’année en français et en maths des élèves de 5ème année en deçà de la barre de 50 % pour la plupart des pays d’Afrique francophone.
Le taux d’accès en 5ème année est pareillement largement en dessous des attentes, indiquant une forte déperdition : 57% pour le Bénin, 48% pour le Tchad, 42% pour le Burkina, 79% pour le Congo, 69 % pour le Sénégal.
Des efforts importants ont également été consentis par les Etats africains, en vue d’atteindre les OMD en matière d’accès à l’éducation à un horizon initialement fixé à 2015. Au Sénégal, par exemple, l’Etat depuis plusieurs années, alloue à l’éducation une part importante de son budget - un peu plus de 40 % du budget de fonctionnement (Sénégal, PAQUET, p. 15) - et cela a permis des progrès importants en matière de construction d’établissements scolaires et corrélativement en matière d’accès à l’éducation, le taux de scolarisation ayant atteint 93,9% (Sénégal, PAQUET, p. 42).
Cependant ces succès, parce qu’ayant largement modifié la sociologie de l’école dans le sens d’une plus grande massification et d’une plus grande ruralisation, ont plutôt eu pour conséquence d’accentuer la détérioration de la qualité de l’enseignement.
Tout indique que les systèmes éducatifs africains devenus massifs ne sont plus en mesure de souffrir l’anomalie d’un enseignement-apprentissage exclusivement en français. Leur salut semble se trouver dans la prise en compte effective des ressources qu’offre le contexte multilingue, précisément dans l’utilisation des langues nationales dans le dispositif pédagogique de l’école de base, en cohabitation avec le français.
Mais quels arguments fondent une telle considération ? Au plan théorique d’abord et ensuite au plan des pratiques de terrain, c’est-à-dire des résultats d’expérimentations ?
1. Arguments théoriques
- Un contexte multilingue
Avant d’évoquer les arguments à proprement parler, il nous faut d’abord convenir, qu’au Sénégal comme dans les pays d’Afrique francophone subsaharienne, on est en contexte multilingue. Le multilinguisme renvoie, en effet, à une situation où cohabitent plusieurs langues ; il est caractéristique d'une communauté, d'un pays où plusieurs langues sont en usage. Pour la plupart des dictionnaires, il est synonyme de plurilinguisme. Mais certains linguistes choisissent de référer la notion de
« Multilinguisme » à une aire géographique, à une localité, à un pays et celle de « Plurilinguisme » à un locuteur, à une communauté.
Les pays d’Afrique francophone répondent bien à une telle situation de multilinguisme. On y dénombre partout plusieurs dizaines de langues locales, cohabitant avec le français : 25 au Sénégal, 50 au Bénin, 60 au Burkina, 10 au Niger, 250 au Cameroun, etc.
Le français, introduit avec la colonisation à partir du 17ème siècle est, pour la plupart, la seule langue officielle (excepté le Cameroun ayant l’anglais comme 2ème langue officielle et le Burundi ayant aussi le Kirundi comme langue officielle), celle de l’école, de l’administration, des institutions ; mais nulle part le français n’est la langue première des populations (exception faite d’une petite élite). Il est une langue seconde dans les zones urbaines et semi-urbaines et une langue étrangère dans les zones rurales.
Les langues locales africaines, qui sont les langues de première socialisation, sont employées, selon leur poids démographique, pour la communication intra-communautaire, ou comme langues véhiculaires à l’échelle territoriale voire régionale. Elles ont, le plus souvent, le statut de langues nationales et les textes institutionnels (constitution, loi d’orientation de l’éducation…) autorisent leur emploi dans le système éducatif, même si cela tarde à devenir réalité.
La situation sociolinguistique n’est certes pas identique partout : on peut, grosso modo, distinguer trois types de situation.
- Situation de multilinguisme avec français langue officielle mais présence d’une langue africaine d’envergure nationale voire régionale fonctionnant comme véhiculaire intercommunautaire : Sénégal, Burkina Faso, Niger,
- Situation de multilinguisme national avec français langue officielle et absence de langue africaine d’envergure régionale (Bénin, Côte d’ivoire) ; le français est alors employé de fait comme véhiculaire intercommunautaire
- Situation de multilinguisme national où le français est en zone de
« contact direct » avec une autre langue internationale (Cameroun).
1.2. Arguments pédagogiques et cognitifs
C’est un fait que face à la crise des systèmes éducatifs africains, la plupart des organismes internationaux qui s’intéressent à l’éducation, à la culture ou au développement en Afrique tels que l’Unesco, l’OIF, la Confemen, la Banque Mondiale, etc., recommandent, l’introduction des langues locales dans les processus d’apprentissage. Les raisons avancées sont nombreuses et aujourd’hui bien évidentes. Il n’est pas possible de les rappeler toutes dans leurs détails. Certaines d’entre elles sont d’ordre culturel, telle que la nécessité de sauvegarder la diversité culturelle et linguistique fortement menacée dans le monde actuel, avec une langue qui meurt en moyenne tous les 15 jours, selon l’Unesco.
D’autres raisons sont d’ordre économique. Aujourd’hui, l’Unesco comme la Banque Mondiale soulignent avec force le rôle déterminant des facteurs linguistiques dans la réussite des stratégies de réalisation des programmes de développement.
Mais les raisons les plus pertinentes, eu égard à la perspective éducative ici envisagée, sont d’ordre purement pédagogique et cognitif. Dans un document publié en 2007, l’Unesco affirme que « la recherche a aujourd’hui clairement établi que l’emploi de la langue maternelle de l’apprenant est cruciale pour un apprentissage efficace » (P. 6) et que « les seuls pays qui ont des chances d’atteindre les objectifs de l’EPT sont ceux dont la langue d’enseignement est la langue maternelle de l’apprenant » (2008, p. 6). En 2001, la Banque Mondiale, reprenant un rapport de l’UNICEF de 1999, soulignait que « de nombreuses recherches montrent que les élèves apprennent plus vite à lire et à acquérir de nouvelles connaissances lorsqu’ils ont reçu un premier enseignement dans leur langue maternelle. Ils apprennent également plus rapidement une seconde langue que ceux qui ont d’abord appris à lire dans une langue qui ne leur était pas familière » (2001).
Cela ne surprend guère, puisque « Il est maintenant attesté que le meilleur support pour l’enseignement de l’enfant est sa langue maternelle. Psychologiquement c’est le système des moyens significatifs qui, dans son esprit provoque automatiquement l’expression et la compréhension. » (Unesco, 1980).
Et comme le rappelle le linguiste Georges Lüdi « une connaissance insuffisante de L1 empêche une bonne acquisition de L2 » parce que « les systèmes ne sont pas entièrement séparés et que L2 se construit sur une base construite dans l'acquisition de L1. Si cette base manque, n'est pas suffisamment solide ou s'affaisse trop tôt, l'acquisition de L2 est grièvement menacée » (Lüdi, 1986).
Le recours, dans les premiers apprentissages, à une langue que l’enfant ne comprend pas apparaît ainsi comme la principale cause d’échec scolaire. Cheikh Anta Diop, sans être spécialiste en didactique, soulignait déjà cette vérité en affirmant que « l’expression étrangère est comme un revêtement étanche qui empêche notre esprit d’accéder au contenu des mots qui est la réalité. Le développement de la réflexion fait alors place à celui de la mémoire » (1979, p. 415). L’élève fournit un double effort consistant d’abord à comprendre la langue et ensuite à accéder au contenu des savoirs enseignés. Les chances de réussite de ce double effort étant très faibles, une bonne part des apprentissages est perdue. Ce qui représente un gâchis énorme au vu des moyens déployés pour atteindre l’objectif éducatif.
L’emploi de la langue première de l’élève, donnant un accès direct au contenu des apprentissages, n’a pas seulement l’avantage de permettre d’éviter ce gâchis, mais il est la condition (et c’est peut-être là le plus important) pour réussir l’installation du « logiciel » intellectuel d’acquisition des savoirs. La période des premiers apprentissages est, en effet, connue pour être un moment déterminant dans le développement intellectuel de l’élève. C’est le moment où se fait le formatage de son esprit et où sont mis en place les mécanismes cognitifs, les structures d’acquisition qui lui faciliteront la réception, la compréhension et l’élaboration des connaissances. Elle est donc un moment important auquel est subordonnée la suite de la scolarité et même de la carrière intellectuelle de l’élève. Et dans les systèmes d’enseignement où cette période est mal gérée, ce formatage initial raté ou peu réussi explique le taux élevé d’échec et de déperdition scolaire, mais aussi, pour la plupart des rescapés du système (que sont les cadres et autres membres de l’élite dirigeante), la faiblesse de performance et d’efficacité.
2. Les arguments de terrain : les résultats des expérimentations de l'enseignement bilingue
Des expérimentations d’enseignement bi-plurilingue s’appuyant sur la langue première de l’élève ont été mises en œuvre dans différents pays du monde, en particulier d’Afrique et d’Asie, dans le cadre de partenariat avec des organismes internationaux s’intéressant à l’éducation tels que l’Unesco, l’OIF, la Banque Mondiale. Elles ont souvent été menées dans une perspective de remédiation à la médiocrité des résultats scolaires de l’enseignement classique monolingue fondée exclusivement sur la langue officielle qui, le plus souvent, est une langue seconde ou étrangère.
Presque toujours ces expérimentations ont été concluantes et ont confirmé la supériorité de l’enseignement bi-plurilingue par rapport à celui monolingue, en ce qui concerne l’amélioration des performances des élèves.
2.1. UNESCO
Analysant quatre expérimentations de ce type d’enseignement, menées au Mali, au Pérou, en Papouasie Nouvelle Guinée et aux États-Unis (ici au sein de minorités linguistiques), l’Unesco (2008, p. 40) synthétise les résultats éducatifs comme suit :
- Leurs résultats scolaires sont, d’une manière générale, supérieurs à
celui des élèves du système monolingue utilisant la deuxième langue.
- Leurs résultats en mathématiques sont également supérieurs.
- Leurs résultats dans la deuxième langue sont au moins aussi élevés que ceux des élèves du système monolingue utilisant la deuxième
- Ils acquièrent des compétences linguistiques supplémentaires dans leur première langue.
- Ils participent plus activement au processus d’apprentissage et ils se
sentent plus confiants vis-à-vis de l’apprentissage.
2.2. LASCOLAF (Langues de Scolarisation en Afrique)
- Cette supériorité de l’enseignement bilingue concernant les performances des élèves a été relevée également lors des enquêtes du programme LASCOLAF menées dans six pays d’Afrique francophone subsaharienne par l’OIF (Bénin, Burkina, Burundi, Cameroun, Niger, Sénégal). Il a été noté, en effet, une nette amélioration de la qualité des enseignements/apprentissages par le fait de l’emploi des langues locales en début de scolarisation ; certains maîtres de classes bilingues déclarent que
« la compréhension des notions, des mécanismes opératoires et des concepts par les élèves se fait plus facilement lorsque le medium d’enseignement/apprentissage est la langue maitrisée par l’enfant ».
Au Burundi, où l’usage de la langue nationale kirundi est bien installé à l’école, les tests PASEC en français et mathématiques en 2e et 5e année du primaire donnent des résultats satisfaisants qui attestent également de l’efficacité du bilinguisme. Au Burkina Faso, il a été noté que la durée du cursus élémentaire a été réduite à 5 ans (au lieu de 6) dans les écoles bilingues OSEO (Œuvre Suisse d’Entraide Ouvrière).
Nous pouvons fournir plus de précisions concernant les résultats scolaires, si nous nous arrêtons aux enquêtes menées au Sénégal.
2.2.2 CAS DU SÉNÉGAL
Nous pouvons fournir plus de précisions concernant les résultats scolaires, si nous nous arrêtons aux enquêtes menées au Sénégal.
Il convient, d’abord, de signaler qu’au Sénégal, l’enseignement bilingue est encore au stade expérimental. Le système éducatif général est resté monolingue avec le français comme unique langue d’enseignement. Plusieurs expérimentations ont été faites, dont la dernière encore en cours est connue sous le nom de ÉLAN (Écoles et Langues Nationales). Nos enquêtes ont porté sur celle menée de 2002 à 2008 sous la dénomination de
« la mise à l’essai des langues nationales» avec un échantillon de 455 classes, qui est l’échantillon le plus substantiel de toutes les expérimentations. Le bilinguisme adopté y est de type transitionnel, c’est-à- dire que les langues sénégalaises, sont employées comme langues d’enseignement dans les trois premières classes, puis le français, introduit dès la première année à l’oral comme objet, prend le relais à partir de la troisième année comme langue d’enseignement tout le reste de la scolarité.
Si nous nous en limitons strictement aux résultats scolaires, nous pouvons fournir les informations suivantes :
- en novembre 2004, l’INÉADE (Institut National d’Étude et d’Action pour le Développement de l’Éducation), dans un premier bilan d’étape notait que « 92% des expérimentateurs affirment que les résultats des élèves se sont améliorés. »
- en 2008, la Banque Mondiale, dans son rapport d’évaluation déclarait que
« dans la classe de CP, où le bilinguisme est réellement pris en charge, les performances des élèves des classes bilingues sont bien meilleures que dans les classes traditionnelles »
- Ces deux appréciations ont été confirmées par les résultats aux examens Le document de bilan de la DALN (Direction de l’Alphabétisation et des Langues Nationales), intitulé « Situation de la mise à l’essai de l’introduction des langues nationales à l’école » (2010) souligne que « les résultats aux CFEE et à l’entrée en 6ème de 2008 ont montré, à première vue, une nette amélioration de la qualité des enseignements dans les classes expérimentales » (p.1). Ces résultats indiquaient un taux officiel de réussite au CFEE des classes bilingues de 65% contre 50,9% pour les classes traditionnelles. (p 45)
- Les tests réalisés dans le cadre du programme LASCOLAF et que nous avons coordonnés au Sénégal, ont donné davantage de confirmation à l’amélioration des résultats scolaires :
- Un taux de réussite de 95% en classe bilingue (Mbissao) contre 88,46% en classe traditionnelle (Sato Eisaku) (en évaluation externe).
- Un taux de réussite de 60% en classe bilingue contre 14,28% en classe traditionnelle (Saër-Seye) (en évaluation interne).
- Un taux d’achèvement de 71,34% en Classe bilingue à Oussouye (et même de 90% à Diembereng) contre 58,4 % pour la moyenne nationale en Classe traditionnelle :
3. Les facteurs de réussite
Les facteurs qui expliquent cette supériorité pédagogique de l’enseignement
bilingue sont entre autres :
- Une plus grande participation des parents à l’encadrement et au suivi des élèves à la maison, étant donné que la langue d’apprentissage leur est désormais
- Pour la même raison, une plus grande participation et une plus grande motivation des élèves au cours qui leur est dispensé, l’enseignant ayant plus de facilité à employer une pédagogie active, et cela aussi bien en classe de langue nationale qu’en classe de français.
- Enfin et surtout une didactique plus efficace se traduisant pour l’enseignement du français par l’exploitation des acquis en L N ainsi qu’une meilleure identification et un meilleur traitement des points de difficultés qui correspondent aux zones de divergences entre les deux langues. Par exemple, pour l’enseignement de la lecture, la démarche comparative (peu importe le nom qu’on lui donne : pédagogie convergente, pédagogie intégrée ou didactique intégrée) permet de distinguer les sons communs aux deux langues, les sons convergents et les sons différents dans les deux Dans les langues sénégalaises par exemple, on n’a pas les sons tels que CH (chemin), J (Joli), Z (Zéro), V (Vélo), U (union), les groupes consonantiques bl, tr, gr, etc.
La démarche consistera à commencer l’apprentissage de la lecture en langue sénégalaise et plus tard, quand on abordera la lecture en français, de faire un transfert des acquis en français c’est-à-dire un transfert des sons convergents parfaitement déjà maitrisés et de mettre l’accent sur les sons divergents qui n’existent pas dans les langues sénégalaises en faisant appel à la phonétique corrective. Quand les élèves apprennent un son du français n’existant pas dans leurs langues premières, ils ont tendance à le rapprocher à l'un des sons les plus proches de leurs langues. Ainsi du point de vue phonétique, ils commettent des erreurs de prononciation. Il convient alors pour l’enseignant de pouvoir repérer les erreurs de prononciation, de rythme, d'intonation, d'enchaînement et de liaison commises par les élèves, proposer une démarche et des exercices appropriés de correction phonétique. Cela suppose naturellement une connaissance des systèmes phonétiques des deux langues.
Pour la grammaire, cette démarche comparative permet, par exemple, d’insister sur la différence formelle entre les pronoms personnels LE et LUI, différence formelle liée à une différence fonctionnelle (LE renvoyant à la fonction COD et LUI à la fonction COI). C’est une distinction qu’on n’observe pas dans les langues sénégalaises. Les deux arguments du verbe donner par exemple « ce que l’on donne » et « celui à qui on donne » sont réalisés tous deux par un COD avec la même forme « KO » en wolof :
« donne le lui » se dit « Jox ko ko ». Cela entraine souvent comme erreur d’interférence chez l’apprenant sénégalais la réalisation en français de LE à la place de LUI ; par exemple : Je le pardonne /Je le téléphone/Je la parle/Je les ai dit. Le traitement d’erreurs de ce type nécessite chez l’enseignant une connaissance des deux systèmes grammaticaux celui de la L1 et celui de la L2, les savoirs requis pour les exemples donnés portant à la fois sur l’ordre des mots et sur le système pronominal des deux langues.
Ces résultats obtenus dans des conditions d’expérimentation pourtant très difficiles prouvent que l’enseignement bilingue est bien la solution au défi de la qualité auquel les systèmes éducatifs d’Afrique francophone sont confrontés.
En Afrique anglophone australe et orientale, où l’usage des langues africaines est bien installé à l’école, les évaluations réalisées par le SACMEQ ont déjà largement confirmé cette plus grande efficacité de l’enseignement bilingue.
4. Les conditions de réussite
Il n y a pas de doute que le modèle didactique bi-plurilingue est celui qui permettra de faire face au défi de la qualité. Il faut cependant se garder de croire que l’efficacité des pratiques pédagogiques et didactiques proposées dans ce modèle garantit ipso facto des résultats scolaires de qualité. Il faut aussi créer les conditions préalables de mise en œuvre, conditions que les études sur les différentes expérimentations bilingues ont permis d’identifier et qu’on pourrait lister comme suit :
- Un document de planification (schéma directeur, plan d’action, …) permettant un pilotage maîtrisé, définissant clairement les différentes actions de préparation, de mise en œuvre, de suivi-évaluation, balisant les pistes et les stratégies adéquates dans la progression.
- L’outillage des langues premières : puisqu’en réalité pour qu’elles puissent servir de langues d’enseignement, il faut :
- qu’elles soient codifiées (qu’elles aient une orthographe officielle
précise) ;
- qu’elles soient suffisamment décrites grammaticalement pour permettre justement une pédagogie intégrée i e ce va et vient entre les deux systèmes grammaticaux (d’où la nécessité également de documents bilingues articulant la L1 et la L2, par exemple des bi-grammaires français/langues nationales) ;
- qu’elles soient enrichies en terminologie didactique et des disciplines d’enseignement pour être aptes à véhiculer les contenus de ces différentes disciplines ;
- qu’elles disposent d’une production littéraire et de manuels pour disposer de supports textuels et didactiques.
- Une option claire et démocratique du plurilinguisme qui passe par une implication des populations, des familles en fixant comme priorités :
- la concertation pour choisir les langues premières les plus adaptées, qui ne sont pas forcément « langues maternelles » mais qui doivent être nécessairement des langues du milieu ;
- la sensibilisation pour qu’elles comprennent la plus-value de l’enseignement bilingue, qu’elles ne le prennent pas pour une alphabétisation, ni pour un enseignement au rabais.
- Un renforcement des dispositifs de formation initiale et continue du personnel enseignant afin de disposer d’une masse critique de ressources humaines qualifiées : linguistes, didacticiens, personnel enseignant (inspecteurs de l’éducation, maîtres) bien formé en didactique du français langue seconde et en didactique des langues premières.
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© Revue Sénégalaise de Langues et de Littérature, no 14/3, 2020, pp. 61-68
(*) Modou NDIAYE Université Cheikh Anta Diop - Dakar. Il est de la promotion 1974
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