Bâtir une école souveraine, nationale, démocratique et populaire, pour une société éducative - Par Magatte SAMB *
INTRODUCTION
L’école sénégalaise peine encore, plus de deux siècles d’existence après, à devenir une école nationale, pertinente, efficace, qui prend en compte les aspirations des populations et leur désir de développement.
Les nouvelles autorités annoncent la construction d’un état juste, souverain et panafricaniste. Cette option implique une démarche méthodique, inclusive et partenariale. Mais, toutes ces initiatives ne pourront être opérantes que si l’école, appelée à former le type d’homme visé, porteur de cette vision, n’est mise au centre des préoccupations de la nation.
Aucun pays au monde ne s’est développé en ne s’appuyant pas sur l’éducation, pilier essentiel de la formation de l’élite future du pays. En cela, la tâche des nouvelles autorités est ardue car, l’école sénégalaise, dans son état actuel, est un véritable paradoxe.
I. L’ÉVOLUTION DU SYSTÈME ÉDUCATIF SÉNÉGALAIS DE 1960 À JOURS
Le développement de l’école sénégalaise peut être présenté en trois étapes :
- La première période couvre les années de gouvernance du Président Léopold Sédar Senghor, principalement entre 1960 et 1970
- La deuxième coïncide avec l’ère du Président Abdou Diouf
- La troisième démarre avec la prise en main du pays par le président Macky Sall.
- La première période, l’ère de Senghor, n’est pas marquée par des réformes systémiques.
Le contexte postcolonial présuppose une transformation pour la refondation du système scolaire. Au contraire, les orientations et programmes restent calqués sur ceux de la période coloniale. On continue à privilégier l’étude de la langue française et à étudier le calcul.
Les calculs portent sur les surfaces, les quantités récoltées et renvoient à la traite des produits agricoles. Pendant ce temps, le prix d'achat, le prix de revient, le prix de vente et le bénéfice qui renvoient aux activités des maisons commerciales marseillaises et bordelaises de la période coloniale, continuent d’être étudiés. Si on y ajoute le calcul du capital et des intérêts on se rend compte que nous ne sommes pas loin de préparer des auxiliaires dont le colon avait besoin pour développer son commerce.
C’est à la suite de la conférence d’Addis-Abeba en 1961, qu’une révision des programmes et des manuels scolaires est amorcée. L’histoire de nos « héros nationaux » commence à être enseignée à l’exception de ceux des régions du Sud et de l’Est du Sénégal.
Toujours est-il que le renforcement de l’État et de l’administration, prend le dessus sur une éducation nationale qui prépare à la citoyenneté.
Sur le plan des principes, les intentions sont définies lors du congrès de l’Union progressiste sénégalaise (UPS), en février 1962 à Thiès. Ce conclave revient sur la mission assignée à l’institution scolaire qu’il définit ainsi : « Il s’agit de former le Sénégalais nouveau : un homme préparé à l’action, tourné vers l’action, une action solidaire, faite par et pour l’ensemble de la Nation, dans un projet national unanimement concerté et réalisé ».
Il s’agira en outre, de donner à nos élèves un sens national plus aigu, une perception plus nette de l’humanisme négro-africain et de la négritude.
Ces visées détonnent par rapport aux réalités de la jeune nation qui vient de sortir de la colonisation. Ainsi, à partir de 1966, les secousses commencent à se multiplier face à la réclamation d’une école mieux adaptée aux exigences de développement de la jeune nation indépendante. Cette contestation culmine en mai 1968 avec les grèves consacrant les revendications nationalistes et africanistes de l’élite intellectuelle.
Cette explosion de mai 1968 a conduit au vote de la première loi d’orientation du Sénégal, la Loi d’orientation 36-71 du 3 juin 1971, après dix ans d’indépendance. En 1972, trois décrets d’application ont été pris : 72-861, 728-62,72-863 du 13 juillet 1972. En dehors de quelques points choisis, ils n’ont pas fait l’objet d’application. Ces points concernent notamment le contenu de l’enseignement de l’histoire et la structuration du système. Par contre, le décret 72-861 a recommandé clairement l’enseignement des mathématiques modernes. Mais, cela n’a pas fait l’objet d’application. Paradoxalement, ils étaient mis en œuvre à l’école maternelle, au moyen et au secondaire. L’argument évoqué par les autorités de l’époque, pour ne pas appliquer ces trois décrets dans leur plénitude, est que leur contenu était « communisant ». La plupart des rédacteurs de ces documents appartenaient à la gauche communiste. Il sera modifié par le décret 79-1165 du 20 décembre 1979. Le programme contenu dans ce décret constitue un recul évident par rapport au décret 72-862 qui recommandait l’enseignement des mathématiques modernes.
Il ne s’éloigne pas beaucoup des programmes enseignés depuis 1960. On y retrouve des programmations, des démarches et autres principes pédagogiques présents dans les instructions officielles françaises de 1945 (IO de 1945).
2. La deuxième période, l'ère du président Abdou Diouf
Pendant cette période, face aux promesses non tenues à la suite des évènements de 1968, la tension a augmenté, exacerbant la lutte des enseignants. La grève mémorable des enseignants du 13 mai 1980 a contraint les pouvoirs publics à discuter avec les syndicats.
Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’éducation au Sénégal, du 28 au 31 janvier 1981, autorités politiques et religieuses, partenaires sociaux et enseignants se réunissent pour redonner à l’école un contenu adapté aux réalités socioculturelles du Sénégal. Les États Généraux de l’Éducation et de la Formation -EGEF- débouchent sur l’adoption de la loi d’orientation 91-22 du 16 février 1991.
A la suite des États Généraux, trois commissions ont été constituées. Elles ont travaillé pendant trois ans et ont proposé des conclusions éminemment pertinentes pour le développement de l’école sénégalaise. C’est la période de l’École Nouvelle.
La Commission Nationale de Réforme de l’Education et de la Formation- CNREF-est créée. Elle a travaillé pendant trois ans pour proposer un projet de réforme du système éducatif.
Après ces travaux, une direction est créée au sein du ministère de l’éducation nationale dénommée Direction de la Réforme de l’Éducation et de la Formation-DREF-
Pour la première fois, le Sénégal se place sur la voie de bâtir un véritable système éducatif, modèle d’école pertinent adapté aux réalités socioculturelles du pays.
Un projet est élaboré pour sa mise en œuvre, le Projet d’Appui à l’École Nouvelle, PAEN, financé par l’UNICEF. Il était développé au niveau de l’enseignement élémentaire et devait, progressivement, être généralisé selon le procédé de la tâche d’huile.
Avec le départ à la tête du ministère de Monsieur Iba Der Thiam, la direction est remplacée par une division du même nom, Division de la Réforme de l’Éducation et de la Formation, DREF, logée à la Direction de la Planification et de la Réforme de l’Éducation-DPRE- Cette division avait les mêmes missions que la défunte direction et l’INEADE.
Sur le même modèle, le Projet de Développement des Ressources Humaines II, PDRH II a pris le relais, couvrant cette fois-ci tout le système, de la maternelle, à l’enseignement secondaire. Il a été élaboré selon le triptyque accès- qualité – gestion qui a été le même que pour le Projet Éducation III et le PAQUET-EF en passant par le Projet Éducation IV, le PAEN I et le PDEF.
Le Projet de Développement des Ressources Humaines II-PDRH II- a été un moment particulièrement intense dans le développement de notre école. C’est le projet qui, en dehors de l’accès et de la gestion, a contribué immensément au développement de la qualité de l’éducation au Sénégal notamment dans la capacitation des ressources humaines
Que ce soit pour la formation initiale ou la formation en cours d’emploi, tous les acteurs ont été formés. Chaque fois qu’il a fallu envoyer des personnels à l’étranger, ils y ont été.
L’aspect le plus réussi a été la constitution d’une base documentaire pédagogique, didactique et technologique, faite exclusivement par les techniciens sénégalais.
3. Cette période coïncide avec l’arrivée de Maître Wade au Pouvoir.
Avant même la fin du PDRH II, les autorités ont commencé à rédiger le PDEF, sous la supervision des partenaires techniques et financiers. Le PDEF a gardé les principes des projets qui l’ont précédé. Son démarrage a coïncidé avec l’arrivée de Maître Wade à la tête de l’état.
Dix ans plus tard, le PDEF est remplacé par le PAQUET-EF.
C’est le programme qui est toujours en cours d’exécution.
Le régime de Maître Abdoulaye Wade, comme celui de Senghor, s’est terminé dans une très grande instabilité au niveau de l’école. Et, face aux accords non satisfaits, les syndicats d’enseignants ont engagé un bras de fer avec l’état.
Chaque année, l’école a frôlé l’année blanche.
4. Quand le Président Macky Sall est arrivé, il a engagé le dialogue avec les syndicats et cela a abouti à la tenue des Assises de l’Éducation et de la Formation. Elles ont été organisées dans une démarche méthodique, inclusive et partenariale. Tous les segments de la société, tous les secteurs d’activités, tous les niveaux du système formel et non formel, toutes les familles religieuses, les partenaires techniques et financiers ont été impliqués. La préparation de ces joutes a duré presque une année.
Un bureau, un comité scientifique, des commissions aussi bien au niveau national que régional, avaient été constitués pour porter la réflexion. Un conseil présidentiel a clôturé les travaux des assises avec à la clé, onze recommandations.
Malheureusement, toutes les peines consenties par l’ensemble des citoyens ayant pris part à cet effort de construction, sont restées vaines, étant donné que ces consensus n’ont jamais été appliqués.
II. L’ÉCOLE SÉNÉGALAISE, UN PARADOXE INEXPLICABLE
Depuis 1960, l’école sénégalaise est embarquée dans un jeu de yoyo inexplicable. Au lendemain des indépendances, l’école a continué à utiliser les programmes hérités de la métropole.
C’est en 1962, au lendemain de la conférence d’Addis-Abeba de 1961 qu’une première révision des programmes et des manuels scolaires a été notée. Ces programmes se retrouvent dans une revue appelée « éducation sénégalaise no 2 » de 1962.
Paradoxalement, ces programmes étaient moins connus que ceux contenus dans les Instructions officielles françaises de 1945-IO de 1945. Les vieux enseignants s’en souviennent certainement, parce que, nombre d’entre eux ont été ajournés à l’examen pratique du Certificat Élémentaire d’Aptitude Pédagogique-CEAP- ou du Certificat d’Aptitude Pédagogique-CAP parce qu’ils ne les avaient pas respectées-. Il est très difficile de dire que de 1960 à 1970 un changement substantiel est intervenu dans les programmes d’enseignement au Sénégal.
Le mécontentement qui a été à la base de l’explosion de mai 1968 en atteste. Ces soubresauts se sont poursuivis jusqu’en 1971. C’est cette année que la Loi d’orientation de l’Éducation nationale 71-36 a été votée.
Sous la poussée des syndicats qui ont organisé leurs états généraux (avant ceux de 1981), l’état a consenti à opérer des changements en profondeurs en demandant aux syndicats de faire des propositions. Après d’intenses travaux, ils ont proposé des réformes programmatiques que l’on retrouve dans les trois décrets 72-861,72-862,72863. Mais, ce qui devait être un nouveau départ dans l’adaptation des programmes à nos réalités s’est vite révélé inopérant. La raison, politicienne, a été évoquée plus haut. Les hommes de très grandes valeurs qui étaient impliqués dans cette réflexion étaient, pour l’essentiel, des militants de gauche. En conséquence, les autorités de l’époque avaient sélectionné des éléments de programmes, les moins importants, pour les appliquer.
Ainsi, la loi 71-36 s’est retrouvée sans décret d’application, sinon, il faudra attendre 1979 pour avoir un autre décret d’application dont le contenu présentait un retard évident par rapport aux trois décrets précités. Le choix des mathématiques modernes en atteste, alors que celui de 1979 nous maintient dans le calcul inscrit dans les programmes coloniaux.
A l’école maternelle la logico-mathématique est enseignée et aujourd’hui, dans tout le moyen-secondaire, les mathématiques modernes sont enseignées. Cette situation peut aider à comprendre pourquoi les élèves arrivés en sixième sont déroutés comme nous l’avions été en 1969-70, l’année où les mathématiques modernes entraient dans les programmes de seconde.
A l’évidence, les buts ne sont pas les mêmes quand on enseigne les mathématiques modernes ou les mathématiques traditionnelles.
On choisit les maths selon ce qu’on veut en faire. Essentiellement, deux référents servent de cadres à leur enseignement.
C’est en 1972 que le Sénégal a véritablement engagé la rénovation de l’enseignement des maths. A ce sujet, le législateur définit ainsi le but de l’enseignement des mathématiques :
« Développer les facultés d’invention, d’abstraction, de construction les (les élèves) rendant aptes à appréhender et éventuellement à résoudre des situations nouvelles.
Il faut donner aux élèves la possibilité de découvrir les concepts de base et d’acquérir la logique mathématique élémentaire.». Décret 72861 du 13 juillet 1972.
Cinq raisons ont présidé à cette rénovation :
Première raison : L’école primaire sénégalaise n’est pas une école de fin d’études
Raison 2 : Les progrès réalisés en maths doivent être réintégrés (en faisant référence aux maths modernes)
Raison 3 : Les bases que développe l’initiation logique se trouvent dans l’activité de l’enfant, notamment dans les structures linguistiques et dans les stratégies de jeux.
Raison 4 : L’homme est libéré des tâches mécaniques (Existence de la calculette) donc il doit se consacrer à des activités créatrices.
Raison 5 : Le rythme accéléré des progrès impose d’apprendre à apprendre pour s’adapter plus facilement.» (Cours de didactique des mathématiques en F2A, section des inspecteurs adjoint, délivré par monsieur Mamadou Ndoye, ENS 1983)
Le développement de l’informatique et l’irruption de l’intelligence artificielle le prouve à suffisance.
Cette année, en 2024, nos élèves sont encore à calculer des surfaces et des prix. Nous en sommes toujours à « intérêt annuel, capital, taux » comme nous le chantonnions à notre époque
Il apparaît ainsi que nos dirigeants ont de la peine à prendre les mesures appropriées pour faire de notre école un levier de développement.
Ce constat peut être renforcé par l’attitude de tous ceux qui ont eu la charge de notre système éducatif depuis 1960.
L’exemple suivant pourrait suffire pour corroborer cette affirmation. En 1981, nous avons connu les états généraux, EGEF. En 2014, c’était au tour des assises de l’éducation et de la formation, AEF. Ces deux conclaves dédiés à l’école sont nés dans la douleur. Les EGEF ont été organisés après la grève des enseignants de 1981 tandis que les assises font suite aux perturbations qui ont ponctué la fin de mandat du Président Wade
Aucun de ces différents regroupements n’a eu un impact réel sur le système
On peut être tenté de penser qu’ils ont été convoqués juste pour se défaire de l’encerclement et de l’étreinte des enseignants.
La mainmise des pouvoirs de l’argent n’est pas à exclure des raisons qui empêchent le système de décoller. Le foisonnement d’intervenants extérieurs, aide difficilement à cibler les finalités que légitimement notre système éducation voudrait s’assigner. Le nombre important d’intervenants extérieurs finit par disloquer le pouvoir organisateur de notre système éducatif.
Il appert de tout ce qui précède que le Sénégal n’a toujours pas de… modèle d’école.
Feu, le doyen Amadou Ndéné Ndaw, ancien inspecteur de l’enseignement élémentaire, ancien directeur de cabinet du ministre Iba Der Thiam et grand militant de l’école, a été le premier à attirer l’attention du peuple de l’éducation nationale sur cet état de fait. Dans un précieux document intitulé « De l’école mutuelle de Saint-Louis à l’École Nouvelle (1817-1981) il disait ceci : « Plus de cent soixante ans d’histoire de l’école française au Sénégal, et pourtant les sénégalais en étaient encore, en 1981, à la recherche d’une école répondant réellement à leurs aspirations profondes! ». Il explique pourquoi c’était une école extravertie : « Rien d’étonnant, car les cent cinquante premières années de cette histoire concernaient un Sénégal dominé que l’école française devait progressivement transformer en appendice paisible de la Métropole.» Ne l’est-elle toujours pas en cette année 2013 ? »
Il disait ceci à la veille de la tenue des assises de l’éducation et de la formation auxquelles il a pris part en apportant une contribution décisive.
L’organisateur des états généraux, Monsieur Abdel Kader Fall, alors Ministre de l’Éducation Nationale, dans son rapport introductif aux EGEF s’exprimait en ces termes : « Il ne faut pas le dissimuler, le rapport du peuple sénégalais à son école est un rapport de malaise. Le sentiment général est que notre école est en crise, qu’elle n’est plus adaptée aux réalités de notre monde moderne, qu’elle s’achemine, si elle n’y est pas parvenue vers une impasse, une situation de blocage, donc de rupture à plus ou moins brève échéance ».
Après lui, Michel Roussin, dans un ton condescendant, en introduction à un dossier intitulé « Pourquoi inventer un nouveau modèle d’école » paru dans le n° 4 de Février-Mars 1994 de la revue « Afrique éducation », disait : « En trente- quatre années d’indépendance, les pays africains n’ont pas pu concevoir une école adaptée à leurs besoins. C’est l’exercice difficile auquel ils vont devoir se livrer avec la France, leur principal bailleur de fonds ». Même en étant offensant, il disait la vérité. Aujourd’hui encore, en 2024, cela reste une réalité prégnante.
L’inspecteur de l’enseignement élémentaire, Hamidou Soukouna, un homme dévoué à la cause l’école, militant de la réforme s’offusquait d’une telle déclaration dans SUD QUOTIDIEN n° 356 du Samedi 11 Juin 1994.
Il considérait que cette vision était en effet prometteuse et pouvait produire un modèle pertinent et efficace capable de contribuer au développement du pays.
Il disait en substance, dans son cri du cœur « Si le gouvernement exsangue et pris à la gorge est obligé de signer des accords par la force et sans principe (cas de la dévaluation et de la formation continuée dont il est question ici), il appartient aux acteurs du système, aux patriotes et aux simples citoyens de s’opposer énergiquement pour que notre réforme chèrement acquise ne soit pas récupérée et dévoyée… » La suite on la connaît. Nous continuons de dénoncer l’inadéquation de notre système éducatif à nos valeurs et nos besoins de développement.
III. LA RÉFORME DU SYSTÈME ÉDUCATIF SÉNÉGALAIS, L’ÉCOLE DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE L’ÉDUCATION ET DE LA FORMATION
Depuis 1987, le Sénégal entreprend la réforme de son système éducatif. La vision retenue repose sur une gestion appropriative des écoles que traduit le concept de base appelé la « prise en charge de l’école par le milieu ».
Le modèle a été expérimenté à travers le Projet d’Appui à l’École Nouvelle –PAEN- financé par l’UNICEF de 1992 à 1996. Le PAEN concernait uniquement l’élémentaire. Il avait réalisé de très bons résultats. Le projet avait jeté correctement les bases de cette démarche partenariale entre l’école et son milieu. Un bon niveau de « enpowerment » avait été réalisé chez les populations.
Le PDRH II a pris le relais. Il avait adopté les mêmes structures, les mêmes organes, les mêmes formes d’intervention.
C’est l’un des projets ou programmes qui a été le plus bénéfique pour le système éducatif, notamment dans sa composante 04 consacrée à la formation. Mais, au moment où l’expérimentation tirait à sa fin le PDEF est mis en route. Sur le principe, il devait internaliser tous les acquis de ces projets antérieurs et les approfondir mais, dans les faits, il a apporté des changements dans l’esprit, les modes de fonctionnement et les instruments.
La cellule école-milieu est devenue le Comité de Gestion de l’École -CGE-. Ce changement d’appellation a entraîné un manque de vitalité de la structure. Tout le monde connaît l’effet multiplicateur de la notion de cellule. Il était attendu qu’il devienne le lieu qui devait sortir l’école du ghetto dans lequel il se trouvait. Le partenariat entre l’école et son milieu devait favoriser La fusion de ces deux entités.
Cette idée sera approfondie dans le développement ultérieur.
Dans la foulée, un manuel de procédure a été produit en toute ignorance des spécificités de chaque école. Aucune école ne peut, en principe, avoir le même projet qu’une autre, parce que les problèmes à résoudre sont différents, d’une école à l’autre.
Pourtant, la cellule école-milieu avait déjà ses statuts et son règlement intérieur. Elle fonctionnait de façon autonome en toute intelligence avec la direction de l’école et les autorités administratives. La reconnaissance administrative de la cellule école-milieu (CGE) par l’autorité administrative ou le maire, constituait des brides, or cette forme d’association relève du statut de structure de la société civile.
Le projet d’école ou Projet de Développement de l’école (PDE) qui était le moteur de la réforme et qui structurait la participation de la communauté, depuis l’élaboration jusqu’à la mise en œuvre n’est plus envisagé dans son intégralité.
En dehors du PAEN (sur financement de l’UNICEF), du PDRH II (sur financement d’un conglomérat de bailleurs), du Projet d’Appui aux Écoles de Saint-Louis -PAES- (sur financement de l’ACDI et sous la conduite de la fondation Paul Gérin Lajoie) et du Projet Éducation dans les Banlieues de Dakar -PEBD- (sur financement de la coopération française), tous les autres intervenants dans le secteur, organismes et ONG, n’ont pas retenu le développement de l’école dans son intégralité. Ils ont adopté un instrument réducteur qu’ils ont appelé le Projet d’Action Volontaire. Le Projet de Développement de l’Ecole, plus structurant et mieux en mesure de favoriser le partenariat école/milieu, sera développé plus tard.
La multiplicité des intervenants extérieurs constitue un problème dans la cohérence du management du système éducatif. Il arrive que des projets soient arrêtés et remplacés par d’autres, sans une évaluation exhaustive et un plan d’internalisation des acquis. Le pouvoir organisateur a de la peine à porter attention à toutes les expériences ici et là. Quelque fois, leur caractère trop localisé contribue à la dislocation du pouvoir organisateur du ministère.
Souvent, on quitte un projet pour un autre sans garantir le lien entre les deux et, malheureusement, c’est souvent sous la contrainte des bailleurs. Le passage du PDEF au PAQUET-EF illustre parfaitement l’influence des bailleurs sur notre système éducatif.
Le Ministre de l’Éducation nationale d’alors, très enthousiaste en lançant officiellement le nouveau projet intitulé le PAQUET-EF a reconnu lui-même, dans l’émission « POINT DE VUE » du dimanche 12 mai 2013 de la RTS, qu’il a fallu aller très vite, pour un programme qui dure douze ans et qui concerne toute une nation.
A la va vite, il a fallu organiser des sessions de partage avec les principaux acteurs du système, les inspecteurs d’académie, les inspecteurs de l’éducation et de la formation, les syndicats et les élus locaux, entre autres. Par contre, s’agissant de la qualité, malgré le volume des ressources investies, tous les acteurs ont reconnu unanimement, qu’avec le PDEF les efforts n’ont pas produit les effets attendus. Tout ceci est arrivé parce que les bailleurs ont encore sorti de leurs manches une pirouette, « initiatives des nations unies pour l’Afrique ».
C’était arrivé avec l’éducation pour tous. La rencontre de Jomtien a eu un impact sur le développement des systèmes éducatifs. Pourtant, la conférence des Ministres de l’Éducation et des Ministres chargés de la Planification Économique des États membres, réunie à Hararé au Zimbabwé, du 28 juin au 3 juillet 1982, dans le 5ème point de sa déclaration, avant Jomtien, disait : « des mesures ont été prises pour améliorer la qualité de l’éducation, de former un plus grand nombre d’éducateurs et d’élever leur niveau de formation, d’adapter les programmes aux exigences nouvelles et de mettre au point de nouveaux matériels pédagogiques et d’utiliser les techniques modernes ».
Dans le 10ème point de la même déclaration on y lit : « assurer à tous une éducation d’égale qualité ». Cette déclaration a alimenté la plupart des réformes qui ont eu cours dans nos pays. Aujourd’hui encore, une trentaine d’années après Hararé, la quête de la qualité reste permanente.
La conférence de Jomtien a remis « l’éducation de qualité pour tous » au goût du jour. Le PDRH II a été stoppé pour le PDEF et celui-ci a remplacé avant terme par le PAQUET-EF. Est-ce qu’il n’est pas temps que nous arrêtions de suivre les bailleurs de fonds et de nous orienter résolument vers la construction d’un modèle d’école tourné vers nos réalités?
Assurément, Il est temps de décoloniser notre école.
La problématique majeure est identifiée avec justesse. Aucun pays au monde ne peut se développer sans avoir développé son école. La souveraineté alimentaire est incontournable, la souveraineté monétaire n’est pas négociable mais, la souveraineté de l’école sénégalaise est une priorité absolue. Si la construction de ce modèle d’école nous échappe, nous n’aurons pas les hommes et les femmes qui devront porter le développement souverain de notre pays.
IV. LE MODÈLE D’ÉCOLE PROPOSÉ PAR LES ÉTATS GÉNÉRAUX
A partir de 1980, le Sénégal a eu la volonté politique réelle de réformer son système éducatif, en réponse aux réclamations nombreuses de tous ses segments.
La tenue des États Généraux de l’Éducation et de la Formation, en 1981, a été le premier acte posé pour marquer cette volonté. A la suite de ces grandes assises, la commission Nationale de la Réforme de l’Éducation et de la Formation –CNREF- a conclu ses travaux autour des recommandations suivantes :
- Élargir l’accès
- Améliorer l’efficacité des apprentissages
- Accroître la pertinence de l’école par rapport aux réalités nationales
Engagée en 1992, la réforme du système a requis dans toutes ses dimensions, la participation communautaire pour une prise en charge réelle de l’école par le milieu. Cette approche se rattache au choix stratégique du Sénégal de bâtir une école communautaire dont le pilier principal est la participation communautaire, perçue comme :
- une philosophie du développement
- un outil de gestion
En conséquence, lécole doit donc modifier sa structure organisationnelle, ses procédures de prises de décision afin que la communauté se sente impliquée et que la gestion des diversités culturelles devienne effective.
Le sentiment d’appartenance au groupe où, « le respect de la personne, l’esprit d’équipe, l’excellence, la participation et même la foi »[1] aux idéaux et aux objectifs renforcés et partagés en constituent le socle.
A. LES VISÉES DE LA RÉFORME
Les visées qui structurent la réforme du système découlent d’une vision contenue dans la Loi d’orientation de l’Éducation Nationale 91-22 du 16-021991.
Dans cette loi d’orientation, le Sénégal se propose de bâtir une École nationale, démocratique, dans l’intérêt du peuple tout en étant ouverte. Elle vise à former des hommes et des femmes capables :
- de travailler à la construction du pays au plan économique, social et culturel
- de mettre en relation les formations, les problèmes et leurs solutions
- de contribuer à son développement personnel, de transformer la société et son milieu
- de lier l’éducation à la vie, la théorie à la pratique, l’enseignement à la production
- d’adapter ses contenus et objectifs aux besoins spécifiques des enseignés
Si toutes ces finalités sont atteintes, les unes en complément des autres, l’élève qui sera issu de ce système manifestera :
- un sens civique
- un sens moral
- un sens patriotique
- un sens de l’honneur
- un sens de la dignité
- une aptitude à contribuer à résoudre les problèmes que rencontre le pays
B. LES GRANDES ORIENTATIONS DE LA RÉFORME ISSUE DES EGEF
La réforme issue des états généraux avait cette particularité de ne pas s’intéresser à un aspect unique du système, mais de l’envisager sur le triple plan pédagogique, structurel et politique. Elle touche tout le système et tente d’opérer une rupture « équilibrante » en essayant de mettre en cohérence tous les paramètres.
Les transformations souhaitées visaient le changement des démarches pédagogiques, des mentalités, la participation de tous à l’action d’éducation, l’organisation de l’école et de la classe. Il s’agissait de créer autour de l’école une dynamique nouvelle qui soutient notre projet de société.
Le Sénégal fait al
ors un choix clairvoyant en optant pour une école communautaire qui entend mobiliser toutes les énergies pour devenir l’UNITE D’IMPULSION du développement économique, social et culturel du pays, le lieu d’émergence d’une citoyenneté participative.
Pour bâtir cette école communautaire, unité de base du système, capable de promouvoir le développement économique et social du pays, il fallait :
- adapter les contenus de l’enseignement
- valoriser le travail manuel et le travail productif comme moyen d’enseignement et de promotion sociale
- organiser les populations pour leur permettre de participer efficacement à la prise en charge et à la gestion des affaires de l’école
- sortir l’école du ghetto dans lequel elle s’était enfermée en élargissant le partenariat en son sein.
C. LES COMPOSANTES DE LA RÉFORME
Pour atteindre ces buts, la réforme se structure en trois grands domaines :
- domaine pédagogique
- domaine structurel
- domaine politique
A côté de ces trois domaines, pédagogique, structurelle et politique, trois axes stratégiques sont retenus pour servir de support à la mise en place du nouveau système :
- La décentralisation
- La responsabilisation
- La participation
A l’évidence, domaines et axes stratégiques sont complémentaires.
a. Le domaine pédagogique
Il s’agissait de réformer les programmes afin de les adapter aux réalités économiques, sociales et culturelles. L’objectif visé est de produire un type d’élève capable de transférer ses apprentissages dans la vie de tous les jours. Ces nouveaux programmes ont été accompagnés de nouvelles techniques pédagogiques. L’approche modulaire, la pédagogie du projet et la pédagogie par alternance sont introduites pour préparer les élèves à assurer le transfert de leurs apprentissages dans un esprit coopératif et le sens des responsabilités. A l’heure actuelle un curriculum de l’éducation de base est en application dans nos écoles susceptible de porter ces objectifs.
b. Le domaine structurel
comme un intrant de qualité indispensable.
L’enseignant, dans sa classe, n’est plus le seul agent important visible dans la formation du petit écolier ou de la petite écolière.
Les interrelations ne se jouent plus au sein de la classe mais au niveau de l’école. Si dans un premier temps l’enseignant était un simple exécutant, aujourd’hui il n’est plus un agent, mais un acteur. Il ne transmet plus, il négocie ; il n’informe plus, il communique. Cette situation met l’enseignant devant ses responsabilités, notamment dans la nécessité de construire un partenariat efficace entre l’école et la communauté. Celle-ci, première cliente de l’école en ce qu’elle lui a confié ce qu’elle a de plus cher, ses enfants, est aussi son premier partenaire et fournisseur.
Cette réorganisation passe par :
- la mise en place d’une équipe pédagogique efficace (une équipe ne se décrète pas, elle se construit.)
- la création d’une cellule école/milieu support de l’interaction entre l’école et son environnement
- la découverte du monde grâce à l’initiation scientifique et technologique
- l’éducation au développement durable
Ces nouvelles structures sont créées pour regrouper les bénéficiaires, les autorités politiques et locales, les mouvements de jeunes et de femmes, les techniciens des différents ministères représentés dans la zone et tous ceux qui d’une manière ou d’une autre, peuvent contribuer à l’éducation des jeunes citoyens.
L’approche administrative verticale qui favorise le maintien des vieilles pratiques coloniales, n’est plus adaptée. La rapidité avec laquelle les informations traversent les frontières, les besoins de liberté des hommes et des femmes d’aujourd’hui, imposent le dialogue et les échanges collaboratifs et de solidarité.
c. Le domaine politique
Au plan politique, le choix fait par le Sénégal repose sur la déconcentration et la décentralisation. En 1994, les Inspections d’Académie et les inspections départementales sont créées. Les pouvoirs de ces institutions sont accrus pour rapprocher l’administration des administrés.
Aujourd’hui, les inspections départementales sont rebaptisées inspections de l’éducation et de la formation –IEF- Les hommes et les femmes qui les dirigent sont aussi appelé(e)s IEF.
En 1996 on assiste à l’approfondissement de la décentralisation avec la loi sur les compétences transférées.
Mais, le choix stratégique du Sénégal va au-delà de cette approche administrative et politique. Il a opté pour une école communautaire autour de trois axes fondamentaux :
a. la décentralisation
Elle vise à renforcer les attributions des communautés en matière d’éducation, de planification et de gestion.
La décentralisation participe à l’approfondissement de la participation des populations. Après l’entrée par la pédagogie en 1987, notamment par la création des classes et des écoles pilotes qui ont expérimenté la Pédagogie Par les Objectifs, la PPO, on assiste en 1992 au début des innovations structurelles avec le Projet d’Appui à l’École Nouvelle (PAEN). C’est l’avènement des projets d’école, des Cellules École Milieu (CEM) qui servaient de support à la prise en charge de l’école par le milieu.
La décentralisation politique est une réponse au fossé qui existe entre les écoles à logique bureaucratique et les communautés ; ce fossé est considéré comme une cause de la faible demande de scolarisation et de la médiocre qualité de l’éducation. La confirmation est donnée avec le vote de la loi 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux collectivités locales.
La stratégie de décentralisation vise un nouveau partage des pouvoirs et des responsabilités entre l’État, les régions, les communes. Il ne s’agit pas de décentraliser les problèmes ou les financements mais bien le pouvoir. Une politique de décentralisation réussie exige la collaboration étroite des acteurs à travers une dynamique partenariale qui implique les niveaux local, régional et national. Bien conduite, elle peut être une stratégie de mobilisation de nouvelles ressources.
Elle permet également de rendre l’éducation et la formation plus désirables par les parents car ils ont l’assurance que l’école répond davantage aux préoccupations des milieux d’origine des élèves.
Malheureusement, cet esprit ne semble pas être bien compris. La plupart des collectivités locales croient qu’elles font des faveurs aux Inspections départementales et aux écoles quand elles leur donnent des dotations.
Pourtant, le décret n° 96-1123 du 27 décembre 1996 relatif à l’utilisation par les collectivités locales des services extérieurs de l’État dans la Région, dans son article 6 dispose : « Les services extérieurs utilisés par les collectivités locales reçoivent une part des ressources visées à l’article 58 de la loi 96-07 du 22 mars 1996 portant transfert de compétences aux régions, aux communes et communautés rurales pour l’exécution des missions qui leur sont confiées ».
Le décret n¨96-1122 du 27 décembre 1996 relatif à la convention-type fixant les conditions et les modalités d’utilisation des services extérieurs de l’État instruit le Gouverneur de région de signer une convention-type entre les collectivités locales et les services extérieurs de l’État. Dans le cas du Ministère de l’Éducation Nationale, il s’agit essentiellement des IA et des IDEN. Plus souvent, cette convention-type n’est pas signée et, si elle l’est, les ressources y afférant ne sont jamais visibles.
L’audit et la réorganisation de ce transfert de compétence sont devenus imprescriptibles. La déconcentration et la décentralisation n’existent pas de façon isolée. Au contraire, elles sont complémentaires.
b. La responsabilisation
La responsabilité, c’est la conséquence d’une bonne participation, c’est-à-dire, l’engagement volontaire et réfléchi des acteurs, suite à une bonne formation et une information complète. Elle se fera à travers de structures appropriées où les débats et les discussions seront conduits, les décisions seront prises collégialement et les moyens mobilisés. L’idée de reddition des comptes est sous-jacente à cette notion de responsabilité. Néanmoins, dans cette démarche de résolution des problèmes communs, la seule volonté qui compte est celle du groupe. Toute tentative d’uniformiser les pratiques comme dans un manuel de procédure est de nature à brider les initiatives.
Quand les populations, solidairement, font face à leurs besoins, en privilégiant l’apport de chaque membre, en se donnant une organisation capable de piloter son projet, alors elles ne peuvent plus accepter qu’on leur impose quoi que ce soit.
En outre, le fait d’agir ensemble crée plus d’unité dans une communauté et accroît le sens des responsabilités à l’égard des projets. Du coup, aucun besoin n’est identifié à la place des bénéficiaires. Une participation effective où tout le monde est également valorisé, conduite par une organisation dans laquelle les responsabilités sont bien engagées et bien situées, transfère le pouvoir entre les mains de la communauté.
c. La participation
La participation a pour avantage de développer l’autonomie et l’indépendance des populations, notamment les enseignants, les parents et les élèves ainsi que leur engagement dans la vie des écoles. On ne les consultera pas seulement pour la forme, mais on les associe aux prises de décisions. La participation doit accroître les marges d’autonomie des écoles en encourageant l’initiative et l’action autonome qui renforcent le sentiment de responsabilité. Il ne s’agit pas d’impliquer les populations mais de les associer à toutes les activités, d’amont en aval, de la conception à la réécriture des projets en passant par la mise en œuvre et l’évaluation. Beaucoup d’intervenants limitent la participation communautaire à la simple fourniture d’intrants (apport) pour la réalisation d’un ouvrage à usage collectif.
Cette conception de la participation renvoie à l’investissement humain qui s’arrête dès que la tâche est achevée. Un organisme ou un ministère promet de vous construire une classe et vous demande de contribuer. Elle sous-entend une acceptation passive de la fourniture d’une aide de la part des fournisseurs de ce service. Or, la participation communautaire est plus qu’une simple « cotisation ». Elle suppose la contribution de tous les membres de la communauté chacun y contribuant selon ses moyens.
Le commerçant ou le riche du coin apporte son argent. L’ouvrier donne sa force de travail pour la construction d’une classe, etc. L’Imam offre son temps en participant aux rencontres de réflexion et de prise de décision ou en renforçant la sensibilisation lors de ses sermons. Par sa présence, il peut convaincre les plus sceptiques à accepter de participer aux activités qui intéressent la communauté.
En plus de cette caution, il peut, par son expérience et par sa sagesse, aider à gérer les conflits. Ainsi, personne ne peut se sentir écarté dans la recherche de la satisfaction des besoins de la communauté. Mieux, au lieu de faire contribuer les individus, il peut être mieux apprécié de faire participer collectivement les différents regroupements constitués. La participation permet d’introduire des changements progressifs, en internalisant les pratiques traditionnelles et le savoir local, au lieu de les rejeter ou de dénigrer leurs utilisateurs.
Mais, tout cela doit se faire dans le cadre d’une organisation communautaire de base afin que les pratiques soient prêtes pour être pérennisées.
V. LA MISE EN ŒUVRE DE LA RÉFORME
Ayant choisi une approche communautaire, le système a d’abord fait des expérimentations à travers le PAEN, le PDRH II, le PDEF le PEB D et aujourd’hui, le PAQUET-EF. A ce jour, aucun modèle n’est encore produit.
Ces programmes et projets ne sont que des instruments d’opérationnalisation de la réforme.
A. STRUCTURES CHARGÉES DE LA RÉFORME
Pour parachever cette vision de la réforme et permettre la participation et la responsabilisation des acteurs, le Sénégal a créé un certain nombre de structures de coordination, d’appui et d’exécution, aux niveaux national, régional et local. Il les regroupait dans deux pôles : le pôle politico-administratif et le pôle techno-pédagogique.
Dans le premier pôle on retrouve les EGEF, le CNECS, le Comité Interministériel de la Réforme (CIR), la Cellule de coordination de la Réforme –CCR-, les Comité Régionaux de Suivi et d’Appui à la Réforme (CRSAR), les Comité Départementaux de Suivi et d’Appui à la Réforme (CDSAR), la Cellule École Milieu –(CEM).
Le second pôle compte les EGEF, le CNECS, la Commission Nationale de la Réforme de l’Éducation et de la Formation et le Comité de Pilotage de la Réforme. La pratique a révélé sur le terrain, la nécessité de créer les unions de cellules écoles-milieu.
Au niveau central, le comité interministériel de la réforme- CIR, la Cellule de coordination de la Réforme –CCR n’ont jamais été créés.
Les Comité Régionaux de Suivi et d’Appui à la Réforme (CRSAR), les Comité Départementaux de Suivi et d’Appui à la Réforme (CDSAR), la Cellule École Milieu –(CEM), en dehors de la région de Dakar avec le PEBD et le département de Saint-Louis couvert par le PAES (Fondation Paul Gérin Lajoie- ACDI) n’ont existé nulle part ailleurs.
Dans tous les cas, la conduite de la gestion du système éducatif se définit en deux pôles :
- Le pôle politico-administratif
- Le pôle techno-pédagogique
Dans le pôle politico-administratif, le comité interministériel de la réforme postule que l’organisation et la gestion de l’éducation n’est pas le seul apanage et de la seule responsabilité du ministère de l’éducation nationale.
L’illustration la plus parfaite est administrée par la stratégie d’adoption du programme élargi de vaccination du ministère de la santé de l’époque.
Ce ministère a enregistré d’importants résultats grâce à la stratégie évoquée, conduite par l’école.
Le ministère de l’Environnement également a enregistré de bons résultats grâce au Programme de Formation Information pour l'Environnement (PFIE).
A ces structures on peut ajouter la proposition faite lors des assises de l’éducation et de la formation de créer « une instance, au niveau le plus élevé, regroupant les représentants des différentes catégories de porteurs d’enjeux (exemple : haut conseil de l’éducation et de la formation) sous la tutelle du Président de la République permettrait de marquer la ferme volonté de l’état, en ce qui concerne la priorité accordée au secteur en charge de la formation du capital humain.
Cette instance aura également pour rôles d’aider à la cohérence dans l’application de la politique et de veiller à l’adéquation entre la demande et l’offre par la reddition des comptes à tous les niveaux, à la fin de chaque année », Rapport des Assises P. 68.
Ce mode de gestion collégiale de l’école est imprescriptible.
La seule forme de direction administrative, verticale, mettant en action la bureaucratie est incapable de générer et produire un management coopératif pouvant induire l’engagement et la participation de l’ensemble de la communauté.
Or, ce type d’école ne peut être produit que par la conjugaison des efforts de tous.
LES DEUX MOTEURS DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA RÉFORME :
Il est souligné plus haut que le Projet d’Action Volontariste –PAV- n’est pas suffisant pour structurer la réforme. Il est dit également en amont que le Sénégal a opté pour une école communautaire qui entend mobiliser toutes les énergies. Dans ce sens, l’école est l’UNITE D’IMPULSION du développement économique, social et culturel du pays, le lieu d’émergence d’une citoyenneté participative.
Deux éléments essentiels en constituent le moteur : la cellule école milieu CEM ou CGE (peu opérant dans la stratégie choisie)
Ce sont deux outils qui été éprouvés à travers le PAEN, le PDRHII et Le PAES Saint-Louis différent du PAES japonais.
L’expérience capitalisée de ces trois projets ont permis d’élaborer « un modèle de partenariat pour le développement de l’Education de base » dont la version préliminaire a été présentée le premier juin 1998, sous l’égide du Ministère chargé de l’éducation de base et des langues nationales du Sénégal en collaboration avec la Fondation Paul Gérin Lajoie.
Mais, puisque le système éducatif sénégalais n’a pas de mémoire, le 10 mars 2010, à l’hôtel Savana, s’est tenu un atelier national de partage d’un autre modèle, dont l’expérimentation a commencé en 2007 dans la région de Louga et visait « la redynamisation des CGE ». C’est ce modèle, lui aussi du nom de PAES (Projet d’Amélioration de l’environnement Scolaire avec un financement japonais), différent du Projet d’Appui aux Ecoles de Saint-Louis sur financement de l’ACDI) qui a été implémenté.
- La cellule école-milieu (CEM) ou Le comité de gestion de l’école (CGE)
Les interrelations ne se jouent plus au sein de la classe mais au niveau de l’école. Rappelons qu’aujourd’hui, l’enseignant n’est plus un agent mais un acteur. Il ne transmet plus, il négocie ; il n’informe plus, il communique. Pour donner corps à cette réalité, la CEM est la structure transverse créée pour conduire le partenariat entre l’école et la communauté.
Le Partenariat ne repose pas uniquement sur la dynamique des relations humaines. Il se distingue par l’établissement de rapports contractuels entre les parties. En effet, le partenariat Ecole/milieu met en présence des structures qui ont chacune leur raison d’être, ce qui renvoie à une multiplicité d’objectifs à une diversité d’attentes, de besoins, de valeurs, d’enjeux, d’opinions et de propositions.
En effet, la présence de toutes les structures existantes dans l’enceinte de l’école ne rend pas pleinement compte de la notion de communauté si on considère que la « communauté recouvre une entité sociale, organisée d’une façon ou d’une autre, et possédant un certain sens de son identité : il ne s’agit pas seulement des habitants d’une même localité. »[2]
Les conditions évoquées doivent être satisfaites pour garantir le succès voulu. Il faut alors (i) se mettre d’accord sur la cible, (ii) mettre à la disposition des acteurs un accompagnement méthodologique, (iii) formaliser les rapports contractuels. Plus tard, on verra le rôle que le PDE jouer dans la réalisation de ces conditions. Tout ceci renvoie à l’idée que la CEM se construit. En cela il faut préparer et organiser :
- le renforcement du leadership du directeur
- l’implication et la formation de l’équipe pédagogique
- l’implication et la formation de la communauté
- le management du partenariat et le management du changement
- l’organisation des rapports entre les partenaires
Dans tous les cas, l’exercice véritable de la participation exige la liberté d’organisation et l’autonomie qui sont des facteurs clés de succès pour tout partenariat. L’organisation de la CEM est une exigence si on veut impliquer tout le monde dans a réalisation des tâches de la communauté. Elle devra se doter de commissions spécifiques pour décentraliser les efforts et garde l’engagement de la communauté intacte. Il est indispensable de savoir pour chacun sache ce que nous allons faire ensemble et dans quelle perspective avant de chercher à savoir comment le faire. «Le partage de la vision est fondamental. C’est un acte de sensibilisation, de persuasion, de mobilisation, d’engagement empressé, enthousiaste, durable et sans réserve de la part des partenaires et de leur troupe » (version préliminaire)
Chaque acteur doit réapprendre son rôle. Toutes les décisions devant être prises à l’école de manière participative, tous les membres de la communauté doivent avoir la liberté d’y participer.
D’une gestion très fortement centralisée, adaptée à une structure repliée sur elle-même, on passe à une situation d’ouverture qui postule le dialogue et le partage.
La CEM a un rôle de conception, d’organisation, de coordination. Elle travaille à une meilleure connaissance de l’environnement de l’école afin d’identifier les problèmes auxquels celle-ci est confrontée. Elle utilise pour y arriver les procédures rapides d’évaluation (MARP ou DPO), adapte l’approche ZOPP (ziel operatung planung projekt) qui est un modèle d’élaboration de projet par objectifs. Cela nous renvoie aux besoins de formation évoqués plus haut, aussi bien pour les enseignants et leur administration que les autres membres de la CEM. C’est là une manifestation du partenariat qui consiste à donner le même type de formation aux techniciens de l’école et membres de la CEM. Ce sera du « donnant-donnant, gagnant-gagnant » qui favorisera l’engagement de la communauté. La commission santé qui organise des causeries sur la santé maternelle et infantile avec les élèves et les mères d’enfants stimule la participation de celles-ci. La surveillance des valeurs que d’un commun accord l’école et les familles ont inscrit dans leur PDE profite à toute la communauté. Dans le consommer local, une commission féminine s’est proposée de ressusciter les mets locaux et a axé son projet sur le « céré jaqàr » (couscous au nénuphar) afin d’améliorer la santé des enfants et celle de leurs familles. C’était l’une des activités de la commission féminine inscrites dans le PDE. Cette même commission féminine s’occupait des inscriptions au CI. Dès le mois de février, les membres de la commission démarraient l’opération. Cela leur donnait le temps de trouver des bulletins de naissance pour les enfants qui n’en avaient pas. Les exemples sont nombreux et varient d’une école à l’autre, d’un environnement à l’autre.
La CEM a un rôle essentiel dans la recherche des moyens. L’expérience du village de Tiago mérite d’être relatée. Le village comptait, dans la période du projet, cinq unions paysannes. A la rentrée des classes, chaque union donnait cinquante mille francs à l’école et, à chaque récolte, elle donnait un cageot du produit récolté. Les élèves avaient une boutique scolaire qui leur permettait de contribuer aux dépenses qui étaient engagées de la manière que l’APE et la CEM le faisaient.
Elle avait la charge d’étudier les réalités de l’environnement scolaire et sociale afin de repérer les problèmes et les dysfonctionnements qui empêchent l’école d’être performante.
Les unions de CEM favorisent la capitalisation des pratiques réussies par le plus grand nombre. En effet, à travers l’organisation de fora, certains CEM peuvent corriger leurs erreurs grâce au « benchmarking » tandis que d’autres vont valoriser leurs succès. C’est une occasion au cours de laquelle les CEM présentent leurs réalisations, expliquent aux autres comment elles ont fait pour les réussir. Les échecs aussi sont présentés pour recevoir d’éventuelles suggestions de ceux qui ont réussi dans le domaine concerné.
- PROJET DE DÉVELOPPEMENT DE L’ECOLE (OU PROJET D’ECOLE)
Le plan de développement de l’école est absolument indissociable de la cellule école-milieu. Il polarise l’intérêt et l’attention de tous les segments de la communauté mobilise la directeur de l’école, les enseignants, le personnel de service, les élèves, les parents d’élèves, les organisations communautaires de base, les techniciens des autres ministères présents sur le terrain, les autorités administratives, locales et coutumières, en somme tous les acteurs intéressés par le développement de l’école. Ce sont eux qui élaborent le plan de développement, trouvent son financement alternatif, l’exécutent et l’évaluent. La CEM a la charge de trouver, en plus de ceux fournis par l’Etat, les moyens financiers, matériels, humains et organisationnels nécessaires à la bonne conduite du PDE.
L’élaboration du PDE suit exactement la démarche de production d’un projet : analyse de situation (collecte des données, diagnostic), identification des problèmes, hiérarchisation des problèmes, choix des problèmes à résoudre, définition des objectifs et des stratégies de mise en œuvre (plan de mise en œuvre, plan suivi/évaluation, évaluation).
Tout ce travail doit être fait collégialement et, dans une démarche apprenante contribuer à renforcer les capacités de tous les acteurs. De la même façon, dans les commissions, tout le monde acquiert de nouvelles connaissances, de nouvelles attitudes et de nouvelles pratiques. Souvenons-nous, la connaissance n’est plus le seul apanage des enseignants.
En somme, l’objectif premier du PDE est « d’accroître la pertinence et l’efficacité des apprentissages scolaires et entreprises éducatives au regard des besoins et des réalités des élèves et du milieu environnant » (version préliminaire)
Le Projet de Développement de l’Ecole-PDE- a trois enjeux principaux, (i) pédagogique, (ii) éducatif et (iii) institutionnel.
(i)- Enjeux pédagogiques : viser une meilleure réussite scolaire grâce à une pédagogie efficace et active.
(ii) - Enjeux éducatifs : considérer l’enfant tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’école.
(iii) - Enjeux institutionnels : · coordonner les interventions des acteurs du système éducatif révéler les besoins en formation des équipes techniques.
I – Enjeux pédagogiques
Le projet d’école concerne les élèves de l’école et hors de l’école
Il comporte une partie obligatoire – Le projet pédagogique centré sur :
- l’élève et ses apprentissages
- les nouvelles orientations de l’école primaire
- les compétences à acquérir et les programmes officiels.
Il est souhaitable qu’il ait également une dimension éducative et culturelle fondée sur l’initiative de l’équipe technique qui intègre des actions en partenariat avec des secteurs sociaux, sportifs et culturels.
1-Partie pédagogique du PDE
→elle concerne prioritairement l’amélioration des RTS des élèves et leur épanouissement à l’école.
→elle est élaborée par l’équipe pédagogique et a pour tâche de construire le parcours de chacun des élèves.
- organisation de la classe et de l’école ;
- harmonisation des démarches ;
- cohérences des apprentissages disciplinaires (verticale et horizontale) ;
- gestion différenciée des différents groupes d’élèves ;
- apport d'aide aux élèves en difficulté passagère (déjà prise en charge par ASC, APE, bénévoles, dans le cadre de la journée continue)
2 – Dimension éducative et culturelle
Elle complète et prolonge l’action de la partie pédagogique dans d’autres domaines. Ce sont des actions menées pendant ou hors du temps scolaire.
a- activités menées pendant le temps scolaire
Dans ce contexte elles doivent se référer explicitement aux programmes officiels. Elles peuvent recourir au partenariat.
b- domaine péri éducatif (hors temps scolaire) avec l’aide des collectivités locales, les ASC, les moniteurs de collectivités éducatives, les entraîneurs de divers sports, les artistes comédiens, les régisseurs de plateaux, les services techniques locaux…
L’objectif de sortir l’école du ghetto dans lequel elle se trouve suggère de s’ouvrir aux acteurs de la communauté étant entendu que l’école ne détient pas le monopole du savoir. En s’ouvrant à la communauté, elle trouvera un terreau fertile pour une expression correcte du curriculum. Condition corrobore l’injonction de Mme Tortel qui disait « faites entrer la vie dans vos classes ». Cette conjonction entre les savoirs enseignés et les savoirs locaux est une exigence pour un produit enraciné et ouvert, contraire à celui que l’école coloniale formait (et forme toujours), un élève isolé de son milieu et éloigné de sa culture. Dans cette formule, un acteur de la communauté porteur de savoir peut se retrouver à enseigner en classe et le maître animateur dans des activités péri-éducatives. C’est dans cette osmose entre l’école et le milieu qu’une société éducative peut être. Le savoir n’est plus dans l’école seulement mais l’agent technique d’un service donné ou l’étudiant ou une organisation de femmes peut assurer une acquisition ou la maîtrise d’une compétence.
Une telle approche aurait comme avantages :
- apprendre à travailler ensemble et à se connaître
- susciter l’intérêt du milieu par la visualisation de l’impact des modules dans la communauté
- renforcer les capacités techniques et pédagogiques à travers l’exécution des activités
- découvrir les modalités de faire participer les élèves à des activités sociales à des fins pédagogiques (santé, reboisement, civisme….)
(iii) - Enjeux institutionnels : coordonner les interventions des acteurs du système éducatif et révéler les besoins en formation des équipes techniques.
La gestion du PDE requiert un management particulièrement rigoureux. Cela est valable au plan de l’école, de l’IEF, de l’IA mais surtout du Ministère de l’éducation nationale.
Un suivi régulier du directeur, du président de la CEM, de l’IEF, du préfet et du gouverneur s’impose à tous.
La formation de tous les acteurs est un facteur clé de succès et doit retenir l’attention de tous les responsables.
Par ailleurs, pour que la CEM assure correctement son rôle d’orientation et d’exécution, le système budgétaire et comptable en cours doit être modifié. Il n’est plus très adapté aux structures d’alliances que l’on veut implanter pour gérer le système éducatif. Il ne permet pas aux managers du secteur public de s’adapter aux changements et de satisfaire les besoins des usagers.
Un nouveau système budgétaire qui repose sur une allocation de ressources par rapport aux objectifs serait mieux adapté.
En tout état de cause, les systèmes budgétaires classiques par chapitres, articles, et lignes sont trop contraignants et favorisent les gaspillages. La situation des budgets qui tombent en fonds libre est trop dommageable à deux points de vue : soit les réaffectations ne sont pas possibles et on perd des crédits, soit, il faut tout faire pour consommer le budget et l’on fait à la hâte des activités mal planifiées. En tous les cas, pour une approche participative, il importe de trouver un système qui permette de saisir les opportunités. Cela fait partie des conditions de pérennisation du partenariat entre l’école et son environnement.
Si cela devait arriver, les populations, largement informées des montants dégagés pour la satisfaction de leurs besoins sauront surveiller leur utilisation. Un nouveau type de citoyen naîtrait absolument et les dirigeants de tout bord apprendraient à mieux gérer les deniers publics.
A ce niveau, des fonds domiciliés dans les IA sous la supervision des gouverneurs et des bénéficiaires s’accommoderaient mieux des besoins à satisfaire, « just in time. »
B. UNE ÉCOLE FACE AUX EXIGENCES DES NOUVELLES MÉTHODES DE GESTION
La globalisation de l’économie mondiale a affecté le fonctionnement de toutes les institutions publiques et privées. Il en résulte une concurrence effrénée dans tous les domaines. En outre, la circulation rapide de l’information et le besoin immense d’autonomie ont modifié les modes de gestion des organisations. La technologie, la compétitivité et le management sont au cœur des sociétés performantes. L’école n’échappe pas à ce phénomène. Elle doit donc s’adapter pour garder sa viabilité.
L’intérêt d’une telle perspective est qu’elle place l’école dans une gouvernance partenariale avec une approche de marché. La qualité visée peut devenir effective si l’on considère davantage l’école comme une organisation et qu’on essaye de lui appliquer les méthodes de gestion modernes. La liberté d’organisation et l’autonomie deviennent des facteurs clés de succès.
Dans tous les cas, chaque acteur doit réapprendre son rôle. Toutes les décisions devant être prises à l’école, de manière participative et tous les membres de la communauté doivent avoir la liberté d’y participer.
Cette synergie recherchée et la prise en compte de tous les éléments du contexte ne peuvent être cohérentes et harmonieuses qu’à travers un projet commun. C’est le sens du projet d’école ou Plan de Développement de l’Ecole –PDE-
Alors, tous les protagonistes devront comprendre qu’aucun partenaire, si expérimenté soit-il, ne peut à lui tout seul, mettre en œuvre les nouveaux savoirs, savoir-faire et savoir-être induits par le nouveau statut de l’école. Ceux qui y travaillent doivent à leur tour comprendre qu’ils sont en présence d’une gestion du changement. D’une gestion très fortement centralisée, adaptée à une structure repliée sur elle-même, on passe à une situation d’ouverture qui postule le dialogue et le partage
En tenant compte de ces nouvelles règles de gestion, les autorités locales, préfets et les gouverneurs doivent comprendre que nous ne sommes plus à l’ère des injonctions mais à celle des hommes et des femmes très instruits, très bien formé(e)s et par conséquent plus exigeants.
Préfets et gouverneurs doivent aussi admettre qu’ils sont les premiers agents de développement de leurs circonscriptions administratives. Il n’est pas admissible qu’un préfet ne s’intéresse à l’école que quand il organise un CDD pour la rentrée des classes ou pour l’organisation des examens de fin d’année.
La réponse pertinente que le préfet de Rufisque a donnée à la problématique des déguerpissements a été saluée et rehaussée parce qu’elle détonait face à l’attitude distante de ses collègues.
Les gouverneurs, les préfets, les inspecteurs d’académie, les IEF et tous les chefs de services locaux doivent avoir en mire des plans de développement concerté du secteur de l’éducation. Ils ne peuvent pas être de simple courroie de transmission et doivent en conséquence se doter des plans de suivi des activités des structures.
La construction d’un tel modèle suppose un engagement citoyen qui s’appuie sur la patience et la résilience, sur une bonne formation des acteurs, de tout bord, sous l’accompagnement des autorités attentives aux démarches et aux résultats.
Quiconque voudra se lancer dans la réalisation d’un tel projet de réforme devra garder en tête, en permanence, qu’il faut bien BIEN SE PREPARER
Cette préparation, quelque méticuleuse qu’elle soit, ne sera pas suffisante car d’innombrables forces d’inertie viendront s’y agripper pour empêcher sa réalisation.
Par conséquent, il faudra aussi s’armer de patience et de résilience pour faire accepter l’idée de changement et la participation réfléchie des acteurs du pôle politico-administratif et celui qui incarne la communauté.
Cependant, l’enjeu, c’est la souveraineté de notre école.
Cette réflexion a voulu cibler spécifiquement la construction d’un modèle d’école mais, les secteurs qu’il faut corriger sont nombreux. La formation des enseignants mérite d’être revue et corrigée, l’organigramme du ministère doit être réexaminé, le fonctionnement des structures de contrôle doivent radicalement changer de perspectives et se tourner vers des plans assortis du suivi et de l’évaluation. Une approche qualité doit leur être appliquée.
CONCLUSION
La construction de ce type d’école est suffisamment maîtrisée. Elle doit être réexaminée et réadaptée au contexte des nouvelles exigences de l’éducation au Sénégal et dans le monde. Tous les éléments indispensables pour l’opérationnaliser sont déjà stabilisés.
La cellule école-milieu (ou CGE) possède ses statuts, son organisation et son mode de fonctionnement sont identifiés. C’est l’espace qui favorise la démarche coopérative qui permet la participation des membres de la communauté.
Le projet d’école (ou Projet de Développement de l’École-PDE-) moteur du partenariat entre l’école et son milieu et le Fonds de Développement de l’École (à discuter), est également prêts à être déroulés.
Tout ceci suggère un besoin évident de formation des acteurs mais, d’une formation-accompagnement sur des notions variées qui servent de support à toutes manœuvres.
[1] (M. kalika, Management : Stratégie et Organisation, Vuibert, septembre 2004, 5è édition, p359
[2] UNICEF, « les carnets de l’enfance » 59/60, 1982
(*) Magatte SAMB, Promotion 1970, est :
- Inspecteur de l’enseignement élémentaire Ppl de classe exceptionnelle à la retraite,
- Titulaire du MBA International Paris, MBAI,
- Ancien coordonnateur national de la formation des inspecteurs et des directeurs d’école, composante 04, PDRH II
- Ancien directeur des études de l’EFI de Saint-Louis
- Ancien directeur de l’EFI de Saint-Louis
- Ancien inspecteur départemental de l’éducation national de Rufisque II
- Tél : 77 557 44 88 ; E-mail : magattesamb@ahoo.fr; magattesamb51@gmail.com
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