Concours général : l'école sélective au détriment de l'école de masse ? - Par Mamadou DIABATE * -
En règle générale, tout concours a un caractère sélectif. Dans certains cas de figure, cet aspect est décliné dès l'appel à candidatures (...), le but ultime étant de sélectionner les meilleurs profils dans un domaine déterminé. Cette recherche de la qualité est inhérente à tout système éducatif aspirant à contribuer de manière significative à l'émergence de son pays.
L'organisation du Concours général s'impose donc comme un passage obligé pour détecter les meilleurs talents de l'enseignement secondaire qui sont dans l'antichambre de l'Université. Dans ce contexte, la problématique de l'équité posée par M. Moustapha Mbow du Forum pédagogique qui oppose «école sélective » et « école de masse » nous inspire la réflexion suivante.
Il serait, d'abord, très utile pour la clarté du débat qu'on procède à une clarification conceptuelle des termes-clés du corpus : «école sélective», «école de masse» et « équité »
«L'école sélective» peut être assimilée à une institution scolaire dont le niveau d'exigence se situe largement au-dessus de la moyenne. Par conséquent, ses pensionnaires ont, en principe, un profil d'entrée conséquent. Il s'y ajoute que l'environnement pédagogique et matériel de ce type d'établissement est généralement de bonne qualité. Les conditions d'études et de travail sont donc souvent réunies pour aboutir à l'excellence. C'est le cas du Prytanée militaire de Saint-Louis, de la Maison d'éducation Mariama Ba de Gorée et du Lycée scientifique d'Excellence de Diourbel.
Opposée à «l'école d'élite», «l'école de masse» peut être définie comme une institution scolaire qui reçoit tous les profils d'élèves sans aucune restriction. Une vision fondée, dans une large mesure, sur la démocratisation de l'éducation qui est en cours dans beaucoup de pays africains. L'élargissement de l'accès devient, ainsi, une réalité qui consacre l'un des droits fondamentaux de l'enfant : le droit à l'éducation. Cependant, une «qualité moyenne» de l'éducation est généralement associée à «l'école de masse» Une caractéristique qui découle de plusieurs facteurs : effectifs pléthoriques, insuffisance des ressources humaines et matérielles, déficit du quantum horaire, etc. Toutes choses qui ont un impact significatif sur les profils et les résultats des élèves. L'évolution du système éducatif s'oriente donc progressivement vers une configuration bipolaire avec deux entités homogènes mais distinctes : les écoles d'excellence et les établissements classiques.
Dès lors, on peut logiquement s'interrogersur sur la pertinence d'organiser un «Concours général» commun aux deux types d'école précités. En d'autres termes, cette situation ne pose-t-elle pas un problème d'équité ?
Pour répondre à cette question, il faut, au préalable, expliciter la notion d'équité. Celle-ci peut être définie comme un principe permettant d'assurer une discrimination positive en faveur d'un groupe déshérité. Ainsi, mettre en œuvre le principe d'équité consiste à corriger ou à réduire des inégalités en octroyant par exemple des ressources additionnelles à des écoles démunies. Une disposition qui pourrait, éventuellement, relever le niveau de compétitivité des élèves afin qu'ils aient les mêmes chances de réussite que leurs paires qui évoluent dans un contexte favorable.
Par ailleurs, il faut rappeler que «l'école de masse» est, à la base, pourvoyeuse des produits de «l'école sélective».
Enfin, le cas du Lycée Limamoulaye de Guédiawaye qui est un modèle de régularité à travers ses bons résultats au Concours général mérite d'être souligné. Mais cet établissement qui est en train de s'ériger en véritable pôle de l'excellence constitue pratiquement une exception dans le système éducatif. Il est vrai, toutefois, que d'autres institutions scolaires du pays, essayent, tant bien que mal, de relever le défi mais, de manière générale, ce sont les pensionnaires de «l'école sélective» qu'on retrouve régulièrement aux premières loges du Concours général. C'est, d'ailleurs, le lieu de féliciter tous ces élèves qui constituent une bonne partie de l'élite intellectuelle de la Nation, sans oublier le corps professoral qui les accompagne.
Même si cette régularité reflète une domination quasi permanente de «l'école d'élite», il n'en reste pas moins qu'elle est non seulement source de frustrations dans l'espace scolaire mais elle est, comme le disait l'autre, «l'arbre qui cache la forêt». Les résultats globaux du Baccalauréat des cinq dernières années qui se situent généralement en deçà de 50 pour cent en attestent à suffisance.
Dans ces conditions, faut-il modifier le format actuel du Concours général pour résoudre l'épineuse question de l'équité tant décriée ?
À cette fin, plusieurs propositions peuvent être étudiées ou expérimentées.
Nous pensons, d'abord, à l'organisation de deux concours généraux distincts (A et B) : l'un réservé à «l'école sélective», l'autre à « l'école de masse».
La mise en place d'un système de pondération en faveur des élèves issus de «l'école de masse» pourrait également constituer une seconde alternative. Une discrimination positive qui permettait d'accorder les mêmes chances de réussite à tous.
Toutefois, ces modifications pourraient susciter d'autres réserves ou critiques liées notamment au risque de dépréciation du Concours général (concours B au rabais, mérite amoindri par le système de pondération, etc.)
Enfin, une troisième option consisterait à maintenir le format actuel, tout en réduisant progressivement l'écart entre les deux types d'école. Une telle perspective exige, évidemment, une volonté politique réelle des pouvoirs publics ; mais elle s'inscrit surtout dans le moyen et long terme.
Nous terminons cette contribution en réaffirmant que le débat sur cette question d'actualité reste vraiment ouvert. Ainsi, d'autres schémas peuvent être proposés, étudiés et mis à l'essai. Mais, quels que soient les contours du nouveau format à adopter, il faudra maintenir le cap sur l'excellence. En effet, «magnifier l'excellence» est l'une des raisons d'être du Concours général. Par conséquent, cette exigence doit rester intacte.
(*) Inspecteur de l'enseignement élémentaire à la retraite - IEF KEBEMER.
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