AMICALE DES ANCIENS DE L'ECOLE NORMALE WILLIAM PONTY

AMICALE DES ANCIENS DE L'ECOLE NORMALE WILLIAM PONTY

Ruines d'utopies : l'École William Ponty et l'Université du Futur africain - Par Ferdinand De jong, Brian Quinn, Jean-Nicolas Bach*

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[...]Cet article revient sur les projets de l’École William Ponty et de l’Université du Futur africain (Ufa) en se penchant sur les différentes visions des modernités africaines dont ils étaient porteurs. Il montre également comment leur effondrement progressif constitue un palimpseste de futurs africains en ruines. Notre archéologie des ruines de la modernité à Sebi Ponty permettra de faire sortir de terre les strates de désirs nostalgiques de futurs abandonnés, ainsi que les indices permettant d’espérer que ces futurs puissent à nouveau être revendiqués [6]. Nous examinons comment la projection de différentes nostalgies sur les briques de Sebi Ponty et sur le béton de l’Université du Futur africain crée l’imaginaire de futurs africains renaissant tels des Phénix des cendres de la modernité coloniale.

 

Un lieu, deux futurs

 

À quelque trente kilomètres de Dakar, sur la route de Thiès, un panneau indique Sebi Ponty. C’est là que gisent aujourd’hui les vestiges de l’Université du Futur africain, l’un des nombreux projets de construction entrepris et avortés sous l’ancienne présidence d’Abdoulaye Wade. Ce dernier avait été investi en tant que troisième président du Sénégal à l’issue des élections présidentielles de mars 2000 – une victoire couronnant une vie d’opposant politique. Alors que le pays célébrait la fin de quarante années de règne socialiste, Wade initia une politique libérale, laquelle devait entraîner le sopi (« changement ») appelé par son parti. Selon le politiste Momar-Coumba Diop, relever les nombreux défis impliquait de :

« redonner espoir aux populations, en particulier aux jeunes, reconstruire une économie morale susceptible de promouvoir un autre axe de développement de la société, et amorcer la révolution culturelle portée par les utopies de transformation de la vie qui ont accompagné la montée au pouvoir de Wade. »

M.-C. Diop, « Le Sénégal à la croisée des chemins », Politique africaine, n° 104, décembre 2006, voir p. 111.

 

Le Président engagea une politique tournée vers le développement des infrastructures, en relançant notamment la construction d’autoroutes dans la capitale dakaroise encombrée par le trafic, et en remettant au goût du jour l’idée néo-moderniste d’un possible développement national. Wade en retira initialement une confiance accrue auprès de la population, mais son premier mandat s’acheva sur l’image largement répandue d’un président au style autoritaire, d’une corruption gouvernementale galopante et du non-respect du texte constitutionnel [7]. Depuis qu’il a quitté le pouvoir en 2012 suite à son échec électoral, son héritage est contesté jusque dans ses politiques d’infrastructures. Cette remise en cause s’est révélée particulièrement criante à l’occasion de l’érection du très controversé Monument de la renaissance africaine, qui devait célébrer cinquante ans d’indépendance mais fut, au contraire, interprétée par beaucoup comme la marque de la faillite de la politique postcoloniale [8].

 

Le choix de Sebi Ponty pour construire l’Université du Futur africain émanait de Wade et rappelait en différents points le choix opéré, au siècle dernier, d’y relocaliser la fameuse École William Ponty, lieu de formation d’une élite africaine émergente au sein de la colonie française. La réutilisation en palimpseste du site du campus de Ponty qui hébergeait autrefois la vision originelle d’une élite régionale gouvernante, pour y bâtir désormais l’Université du Futur africain reflète, selon nous, le désir de l’ancien étudiant de Ponty (ou « Pontin ») qu’est Wade de faire renaître l’ambition d’un avenir africain prospère ; une façon pour lui de cultiver son propre rêve panafricain, celui d’un grand réseau continental d’institutions d’enseignement supérieur, impulsé par son régime et son expérience estudiantine considérés comme modèles à suivre.

 

Comment ensuite expliquer qu’un site isolé comme Sébikotane (aujourd’hui connu sous le nom de Sebi Ponty) ait incarné à deux reprises les rêves d’un futur panafricain sans cesse renaissant ? Un premier élément de réponse est à trouver dans la localisation et la configuration du site. À l’époque de l’École Ponty, celle-ci attirait administrateurs et enseignants par son caractère reculé et bucolique. Ainsi, elle répondait non seulement à un certain nombre de préoccupations pratiques mais aussi à une rhétorique particulière du retour à la terre qui dominait les préceptes coloniaux de ce qui s’appelait alors l’éducation indigène [9]. Une telle rhétorique resterait, même après plusieurs décennies, forte utile pour nourrir la conception du système panafricain d’éducation supérieure projetée par Wade, créant une institution autonome émergeant à l’écart de la capitale et de ses agitations urbaines.

 

Il faut revenir sur l’histoire institutionnelle de l’École William Ponty pour saisir les raisons ayant finalement conduit au choix de Sébikotane. Fondée en 1855 à Saint Louis sous l’impulsion du général Louis Faidherbe, l’école fut par la suite déplacée sur l’île de Gorée en 1913. Initialement prévue pour former des intermédiaires coloniaux destinés à travailler comme traducteurs et interprètes dans l’ensemble de la région, l’École dût lutter durant l’entre-deux-guerres, contre une volonté supposée de la part des étudiants de se distinguer du reste de la population en vertu de leur formation d’élite [10]. De fait, l’île de Gorée avait beaucoup pour plaire aux jeunes étudiants de l’École Ponty – parfois appelée l’école de Gorée –, alimentant leur sentiment de faire partie d’un groupe privilégié. Néanmoins, l’augmentation des effectifs de l’école engendra rapidement des difficultés liées au manque d’espace et à l’approvisionnement, ce qui remit finalement en question la viabilité du site sur le long terme [11]. De nouveaux plans de relocalisation de l’école furent ébauchés, et l’on pensa cette fois au camp militaire abandonné de Sébikotane. Le site bénéficiait d’infrastructures plus étendues, parmi lesquelles des dortoirs déjà existants et prêts à accueillir davantage d’étudiants. La situation géographique de Sébikotane, dans une zone à la fois rurale et proche de Dakar, permettait de limiter les coûts de transport prohibitifs, tout en demeurant suffisamment éloignée de la ville pour éviter que les étudiants à la recherche de postes administratifs lucratifs ne faussent compagnie à leurs enseignants. Le plan de relocalisation de l’école fut approuvé dès 1923 et finalement mis en œuvre en 1938.

 

Néanmoins, les raisons ayant poussé les administrateurs à déplacer l’École Ponty vers le site rural de Sébikotane ne sauraient se réduire à des préoccupations liées à l’espace ou à la volonté d’une vigilance accrue des étudiants. Ce transfert coïncidait avec un changement de paradigme en ce qui concerne les modèles d’éducation indigène dans les colonies françaises, la logique d’assimilation prônée jusque-là par l’administration coloniale se voyant progressivement remplacée par une logique d’association, deux notions essentielles et longuement débattues par les enseignants coloniaux [12]. L’enjeu de ce débat était la place des Africains diplômés au sein de la société coloniale. Les premiers cas d’intégration réussie dans la culture française – comme celui de Blaise Diagne, promis à un rôle politique important dans la métropole – poussèrent l’administration coloniale à repenser sa conception de l’éducation et la mission assignée à celle-ci. De plus, lorsque l’Hexagone entreprit de mettre à profit ses intérêts économiques dans les colonies, les administrateurs ne tardèrent pas à réaliser qu’ils avaient moins besoin d’Africains éduqués dans la tradition républicaine française que d’artisans locaux et d’ouvriers agricoles. Si les Pontins n’étaient, pour leur part, pas destinés à exercer ces travaux, il était devenu essentiel qu’ils ne négligent pas ces métiers, d’autant plus dans les zones rurales reculées où ils seraient sans doute affectés par la suite en tant qu’intermédiaires de l’administration coloniale. Le modèle entrepreneurial nécessaire à la colonie devenait donc, selon les administrateurs, un Africain auquel une éducation française aurait été dispensée mais qui resterait profondément enraciné dans son identité « indigène ». Il serait ainsi en mesure d’établir un lien avec les populations avec lesquelles il entrait en contact, d’exercer sur elles une influence, tout en demeurant censé, logique, et sensible à la déférence européenne pour la Raison – une qualité considérée comme manquant cruellement à l’esprit africain indigène. Ce modèle impliquait une approche subtile de l’éducation aux niveaux supérieurs de l’école indigène, afin de produire une élite qui ne se considérerait pas comme telle [13]. On peut ainsi reprendre les termes utilisés par Georges Hardy, directeur de l’enseignement et fervent défenseur de l’« enseignement adapté », pour décrire le rôle de l’éducation dispensée à l’École Ponty durant les décennies précédent sa relocalisation : « Former des hommes pour qui le monde extérieur existe et qui passeront, modestes, vaillants, en faisant le bien [14] ».

 

Gardant à l’esprit ces enjeux politiques de l’éducation coloniale, les enseignants français défendaient une approche dite d’association dans laquelle les étudiants étaient incités à rester ancrés dans leur culture d’origine – présentée symboliquement comme le sol fertile de leur héritage africain – tout en se nourrissant des lumières, de la culture et de l’idéologie françaises – ce soleil qui les propulserait vers l’avènement d’une colonie développée [15]. D’un point de vue pédagogique, ces aspirations se traduisaient par ce que Georges Hardy décrivait comme un programme relativement dilué par rapport à la rigueur de l’enseignement professé à l’école française : « Nous avons mis beaucoup d’eau dans le vin des programmes primitifs [16] ». Pour les enseignants coloniaux, les priorités du terrain supposaient de mettre l’accent sur les formes ordinaires de savoirs plutôt que sur les formes nobles du langage ou de la philosophie, jugées incompréhensibles pour les étudiants, même parmi les plus avancés du continent. Exprimant de façon imagée ce nouveau rôle à jouer pour l’éducation coloniale, Hardy empruntait l’allégorie européenne la plus répandue : « […] Pour le moment, restons dans la caverne dont parle si joliment Platon, et regardons le soleil trop brillant dans le miroir des marigots africains [17] ».

 

Le nouveau site de l’école à Sébikotane répondait relativement bien à ce modèle d’association. Son caractère reculé permettait de disposer d’un large espace destiné à l’organisation d’ateliers et de travaux manuels. Les enseignants espéraient créer une atmosphère comparable à celle d’un campus à l’anglaise, étendu et autonome. Alors même que les étudiants semblaient considérer leur éducation à Ponty comme un vecteur d’accès à l’assimilation, ou plus spécifiquement comme une étape vers la citoyenneté française à laquelle ils aspiraient, les enseignants envisageaient à l’inverse les programmes de l’école et son site d’implantation comme autant de moyens de leur instiller une identité rurale, de les maintenir précisément proches de leurs racines africaines. Cette stratégie doit être comprise comme une réponse institutionnelle aux demandes contradictoires d’un système qui se devait de motiver une élite africaine docile, en lui promettant des droits bien réels et des privilèges, tout en empêchant ce même groupe d’« évolués » d’outrepasser les limites politiques énoncées par l’autorité coloniale, ou de devenir ce qui était alors perçu comme une sorte d’arriviste politique et de déraciné. À cet égard, l’éloignement qu’offrait Sébikotane de Dakar représentait un moyen pour les enseignants d’associer, dans l’esprit des étudiants, les bénéfices d’une éducation élitiste à un mode de vie rural et à la mentalité censée lui correspondre, faite de respect sincère et de dévouement profond pour les travaux agricoles et manuels. À la différence du précédent site de Gorée, Sébikotane invitait les étudiants à prendre conscience du devoir des élites africaines, à savoir se rapprocher de ce qui était dépeint comme leur identité africaine innée et définie par les colonisateurs comme non cosmopolite et fondamentalement rurale. Selon l’argument colonial de l’époque, aucun autre emplacement n’offrait, pour le continent, une telle possibilité de se développer économiquement sans courir le risque d’un métissage contre-productif entre les cultures africaines et européennes.

 

Forger l’héritage de l’École Ponty

 

L’état de ruine actuel de l’École Ponty est le résultat de la décision controversée prise au lendemain de l’indépendance de relocaliser l’institution à Thiès, ce qui réduisit son rôle de façon considérable et laissa un ensemble d’infrastructures abandonnées, qui accueillent aujourd’hui deux écoles et une maison de correction. Malgré cette disgrâce, on trouvera plusieurs décennies plus tard, parmi les élites politiques et culturelles ayant joué d’éminents rôles dans les indépendances africaines, un nombre considérable d’anciens Pontins, ce qui s’explique par le caractère hautement sélectif de l’École Ponty à son apogée [18]. L’un des plus célèbres d’entre eux dans le Sénégal contemporain est sans doute Abdoulaye Wade, qui porte un regard plein de nostalgie sur ses années passées à Ponty et illustre clairement ce que les enseignants voyaient comme la détermination des étudiants à revendiquer un statut d’élite au nom de ce lien avec l’École Ponty. Au cours d’un entretien réalisé en 2012 à propos de l’École, l’ancien président souligna le caractère élitiste de ce qu’il qualifia d’« école de formation française de niveau le plus élevé [19] », dans laquelle les étudiants se dédiaient à une étude rigoureuse de la littérature française « qu’on connaissait sur les bouts des doigts. Ce n’était pas comme aujourd’hui. On connaissait Le Cid de Corneille, Racine, Hernani de Victor Hugo ». Cette place importante accordée par Wade à la littérature dans sa formation est un trait commun à de nombreux diplômés de Ponty, dont la mémoire teintée de nostalgie de l’école détonne avec la volonté des enseignants de minimiser la nature élitiste et littéraire de leur éducation.

 

Les souvenirs de Wade font également ressurgir les héritages culturels de l’École Ponty lorsqu’il souligne, au cours de ce même entretien, l’omniprésence de la musique dans les activités des étudiants (« Chacun jouait d’un instrument de musique. Un Pontin qui ne joue pas d’un instrument ça n’existe pas ! »). Il se souvenait également des célèbres représentations théâtrales et des performances musicales régulières à l’école, qui inspirèrent d’ailleurs une tournée à Paris à l’occasion de l’Exposition universelle de 1937. La presse française vit dans ces œuvres le témoignage d’un « esprit nouveau », un nouvel esprit africain pas tout à fait semblable au français, mais clairement inspiré par la raison et l’esthétique de ce dernier [20]. Ces œuvres théâtrales, appréciées par le public colonial, ont souvent été considérées comme reproduisant l’image d’une culture franco-africaine émergente, plutôt flatteuse pour les autorités françaises [21]. Mais si les œuvres des Pontins ne bravaient pas directement le colonialisme, il n’était pas rare d’y déceler des « anti-récits » de la mission civilisatrice française, notamment en se réappropriant et en réintégrant l’image de leaders dissidents, souvent dépeints par l’histoire française comme barbares et dépourvus de raison.

 

À travers l’aura élitiste entourant l’héritage de Ponty, ces pièces fournissaient également aux étudiants l’opportunité de revendiquer un statut privilégié d’intellectuel, au même titre que les Français en Afrique ou en métropole. Wade garde ainsi un souvenir vivace de l’une de ces œuvres théâtrales, Bigolo, originellement créée à Sébikotane et dont le héros éponyme était interprété par Assane Seck [22]Bigolo mettait en scène la résistance de ce dissident de Casamance et devint rapidement l’une des pièces les plus mémorables jouées à Ponty, produite à de nombreuses reprises dans l’école et jusqu’à Paris par l’intermédiaire de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France. Seck interpréta d’ailleurs le rôle dans la capitale française où il se forgea une solide réputation en tant que comédien et devint une figure de proue de la communauté africaine [23]. Aujourd’hui encore, Wade peut entonner cet air triste et profond repris par les chœurs – comme il le fit lors de notre entretien. Au cours d’un autre entretien, Assane Seck lui-même, qui occupa les fonctions de ministre sous Léopold Senghor pendant dix-neuf ans, nous confia que ceux qui avaient assisté à la représentation où il interprétait le personnage casamançais l’affublaient encore plusieurs dizaines d’années plus tard du sobriquet « Bigolo », tout professeur et politicien de stature imposante qu’il soit devenu.

 

L’héritage élitiste de l’École Ponty et la pérennité des relations entre les étudiants furent forgés et entretenus avant tout par les Pontins eux-mêmes. C’est à cet effet que les étudiants publièrent un magazine éphémère et interne à l’école appelé « Le Normalien ». Avec le soutien d’anciens enseignants, les étudiants finirent également par fonder officiellement l’Amicale des anciens élèves de Ponty, constituant ainsi une liste de contacts et un réseau destinés aux Pontins une fois leurs études achevées. Seck exprime de la façon suivante ce sentiment d’appartenance à un groupe privilégié au sein de la société africaine : « […] parce que les élèves se sentaient choisis et prêts à jouer des rôles importants. Il faut d’ailleurs dire qu’effectivement, on était parmi les fonctionnaires les mieux payés, les mieux respectés dans les villages » ? un statut sur lequel il était alors aisé de capitaliser :

« On s’attendait à jouer un rôle. Nous n’avions pas ces problèmes d’aujourd’hui, de “quel emploi je vais avoir ?”. À partir du moment où vous arrivez à William Ponty, vous avez une section, on sait que dès que vous avez terminé votre travail, vous êtes engagé. Automatiquement […] et vous avez une certaine considération. »

 

Entretien avec Assane Seck, Dakar, 11 juillet 2012.

 

Assane Seck confirme également le sens de la solidarité entre les anciens étudiants de l’école, ces derniers travaillant à l’entretien d’une connexion entre camarades pontins au fil des ans et au-delà des frontières de l’Afrique-Occidentale française (AOF).

« Au moment où je sortais de cet établissement, vous pouviez faire toute l’Afrique de l’Ouest sans frais, parce que vous allez dans un village, vous demandez s’il y a un instituteur, […] si vous ne restez pas trop longtemps […] deux jours, trois jours, il vous prend en charge, il considère que vous êtes son invité. »

 

Seck associe l’existence et l’étendue de cette élite ouest-africaine à l’ambition de Wade de fonder son Université du Futur africain. « C’est Abdoulaye Wade qui a voulu faire naître l’idée d’une école africaine, l’élite africaine ». Il reconnaît ainsi les éventuels avantages à concevoir un réseau panafricain d’enseignants et d’administrateurs, exactement comme à l’époque de Ponty où l’élite émergente servait un dessein cohésif vis-à-vis de la politique ouest-africaine et de la société. « On formait effectivement une espèce de clan intellectuel qui suivait bien la marche des choses. Et qui se relevait un peu plus que les populations ».

 

Méditant sur le rôle à jouer pour une telle élite, Seck n’hésite pas à comparer son expérience estudiantine avec sa condition de politicien et ministre du gouvernement Senghor, pour conclure au manque cruel de cohésion et de solidarité au moment des indépendances africaines. Alors que de nombreux dirigeants des nouvelles nations passèrent par les bancs de la prestigieuse école d’Afrique de l’Ouest, souligne-t-il, le sentiment d’unité panafricaine plus large, telle qu’elle était entretenue autrefois par les anciens étudiants de Ponty, était tragiquement absent.

 

« C’est peut-être ça qui manquait au moment de l’Indépendance […]. Si on avait formé le même ensemble que William Ponty, et bien, je dois dire d’ailleurs que dans chaque territoire, ceux qui ont dirigé d’abord ce sont ceux qui sont allés à William Ponty. Houphouët Boigny, tout le monde, tous les états francophones sont passés par Ponty. Donc il y avait un esprit Ponty qui existait. Peut-être qu’en nous basant là-dessus, nous aurions pu faire une sorte d’unité de l’Afrique francophone. »

 

L’Université du Futur africain

 

On retrouvera par la suite dans le vocable usité par Abdoulaye Wade et ses collaborateurs à l’occasion du projet d’Université du Futur africain – également appelée Université du Futur – la même volonté de construire une élite intellectuelle tournée vers l’avenir. C’est sans doute l’image utopique d’un futur panafricanisme à l’esprit que le président sénégalais entreprit la construction de cette nouvelle institution, à proximité des ruines de l’École normale William Ponty. Pour réaliser ce rêve d’une université panafricaine du Futur d’envergure internationale, le président Wade fraîchement élu nomme Papa Mohamed Camara à la direction du projet en tant que responsable pédagogique. Cet assentiment tenait à la longue expérience de ce dernier en tant qu’étudiant au sein de différentes business schools aux États-Unis. Il bénéficiait par ailleurs d’une solide renommée professionnelle due à son rôle dans la mutualisation de matériaux de télécommunication avec la Compagnie sénégalaise d’électricité (Senelec) et avait la réputation de parler plus d’une dizaine de langues. Tout en sachant qu’il n’était pas le premier à occuper cette fonction, Camara ne savait pas combien de personnes l’avaient précédé – ce qui illustre bien la politique patrimoniale contestée de Wade nommant un nombre croissant de conseillers de haut rang en vue de maintenir sa popularité. Lors de l’entretien que Camara eut l’amabilité de nous accorder, il nous remit les copies d’un DVD et d’une brochure réalisés dans le cadre de la promotion du projet nous permettant d’en avoir une meilleure compréhension [24].

 

Il s’agissait du plus important projet sur lequel Mohamed Camara avait travaillé, mais il ne reçut jamais le soutien logistique qu’il réclamait et se rappelle, avec une certaine frustration muette, la formidable tâche qui lui avait été attribuée alors qu’il ne disposait même pas d’un bureau pour y travailler. En effet, nous pouvions percevoir au cours de la conversation que le projet n’avait pas bénéficié d’infrastructures suffisantes dès son lancement. Parlant du projet inachevé, Camara tint néanmoins à souligner qu’il n’était pas un politicien et que ses observations ne devaient pas être interprétées comme un positionnement politique. Des précautions compréhensibles dans la mesure où le gouvernement de Macky Sall venait d’émettre l’idée d’une reconversion éventuelle des bâtiments de l’Université du Futur pour accueillir une seconde université dans la région de Dakar. Les bâtiments restés dans un état d’inachèvement durant plus de six ans pourraient ainsi connaître un nouveau départ. Et comme les locaux n’étaient que partiellement abandonnés, nos échanges laissaient penser que le projet était comme suspendu dans le temps, prêt à être relancé. Mais la nature de notre entretien contrastait manifestement avec le ton assuré de la brochure et du DVD sur lesquels l’ancien président Abdoulaye Wade affirmait avec confiance : « J’ai créé une université ». Aucun trace en effet d’une telle assurance lors de notre conversation avec Camara, rythmée par l’alternance entre un discours au passé composé ? relatif au processus de construction achevé ? et au conditionnel ? celui d’un éventuel futur.

Lui-même ancien Pontin, Wade avait fait le choix de Sebi Ponty comme lieu de renaissance de l’« esprit d’excellence » de Ponty. Camara exprima explicitement ce sentiment lorsqu’il nous expliqua : « L’idée est que Sebi Ponty est connu pour son esprit d’excellence. C’est de l’éclat de cette excellence que le président souhaitait se saisir, une graine que le président voulait refaire éclore avec l’Université du Futur [25] ». Le fait d’identifier en ces termes un esprit supposé du lieu traduit l’ambition de Wade de redéployer la mémoire du passé colonial afin de promouvoir son projet de régénération. Tout comme l’École Ponty, l’université devait offrir un programme pédagogique favorisant les aptitudes et les connaissances pratiques, pour assurer, cette fois, l’idéal panafricain du développement économique. L’Ufa aspirait à fournir aux étudiants africains un enseignement comparable à celui des meilleures universités étrangères. Les brochures et les DVD du projet vantaient un diplôme internationalement reconnu qui égalerait les institutions telles que la Harvard Business School, le Massachusetts Institute of Technology, ou la Sorbonne. Cet esprit d’égalité radicale est omniprésent dans la documentation promotionnelle du projet, qui prend grand soin de souligner que les capacités intellectuelles des Africains sont en tous points équivalentes à celle des Occidentaux. Le seul obstacle qui se dresse encore sur la route de l’excellence académique sur le continent africain est dès lors perçu comme résidant dans les conditions matérielles permettant aux étudiants africains de rivaliser à armes égales avec d’autres dans le marché global de l’éducation. On peut ainsi lire sur la brochure : « Pourquoi ne pas créer en Afrique les mêmes conditions d’études et de développement pour les Africains pour obtenir exactement les mêmes diplômes que les Américains et les Européens et accéder aux mêmes opportunités professionnelles ? [26]».

 

Compte tenu de cet objectif, la brochure évoquait les collaborations envisagées avec des universités américaines et européennes, dont certaines, nous expliquait Camara, avaient déjà accueilli des délégations envoyées à cette fin par le gouvernement sénégalais – profitant des liens établis par les universitaires sénégalais travaillant déjà au sein de ces institutions. En chargeant des professeurs d’institutions étrangères de dispenser des cours, l’Ufa s’assurerait une qualité d’enseignement comparable à ces partenaires prestigieux, qualité qui lui garantirait une considération et une renommée « identique » à l’international : « Le but essentiel de cette action est de conférer aux diplômes délivrés par cette université un caractère universel sans équivoque. Ces diplômes seront reconnus identiques à ceux des plus grandes institutions académiques du monde  [27]».

 

Parmi les attentes suscitées par l’Université du Futur africain, la brochure affichait également la volonté d’endiguer la fuite des talents africains dont les effets remonteraient à la traite négrière et se feraient encore sentir de nos jours au travers de l’émigration de masse des jeunes étudiants et entrepreneurs. À l’instar de l’ancienne école coloniale qui tentait de raviver un « esprit d’excellence », la nouvelle université avait pour mission d’enraciner les esprits les plus talentueux du continent. Tout comme à William Ponty, où les étudiants étaient incités à s’investir dans les activités pratiques auxquelles ils auraient à faire face en tant qu’enseignants dans les écoles rurales de l’AOF, l’Université du Futur africain ambitionnait de fournir au continent les docteurs, les ingénieurs et les technocrates nécessaires au développement à venir du continent. En revanche, à la différence de Ponty, l’Ufa s’adressait à ses étudiants en mettant l’accent sur la nature élitiste de la formation. Mais la façon dont le diplôme, aussi reconnu soit-il sur la scène internationale, pourrait juguler la fuite des cerveaux, demeurait des plus flous. Les promesses d’universalisme, sans cesse contrariées par les exigences du développement local, relèvent aujourd’hui encore de l’utopie.

 

Pourtant, la formation proposée par l’Ufa s’avérait peu conforme à celles dispensées dans les universités européennes ou américaines. Sans expérience au sein de l’administration universitaire, Mohamed Camara partit de sa propre expérience en prenant pour modèle les business schools américaines : « Je fermai les yeux et pensai aux universités que j’avais fréquentées aux États-Unis [28] ». Une telle démarche, à laquelle venait se greffer la vision de Wade sans doute également présente à l’esprit de Camara, explique pourquoi l’université fut conçue comme une école d’administration et de commerce, dispensant des cours d’administration publique, de gestion de la santé, de chimie, d’agriculture et d’ingénierie civile, d’électronique et de robotique, etc. Tous ces enseignements avaient la même vocation à développer les compétences techniques nécessaires au développement du continent, au milieu desquels le programme d’études africaines avancées, unique enseignement proposé en sciences humaines à la « Maison de l’histoire », paraissait quelque peu incongru.

 

Ce programme portant sur les anciennes civilisations africaines était destiné aux étudiants afro-américains, alors que l’ensemble des autres enseignements de l’Ufa devait poser les fondations d’un avenir africain globalisé. La logistique envisagée pour les cours est tout à fait révélatrice de la distorsion alors existante entre le défaut de ressources et les ambitions du projet en matière de technologie, comme l’illustrait la bibliothèque dépourvue de livres mais connectée à la bibliothèque François Mitterrand, à la Librairie du Congrès américain, à la General Library de Tokyo ou encore aux bibliothèques de diverses universités américaines. Ainsi, les cours devait être suivis en ligne via internet et en « temps réel », offrant aux étudiants la possibilité d’assister à des enseignements donnés depuis Tokyo et New York à Sebi Ponty et ses salles équipées en multimédia. L’« harmonisation du temps réel » découlant de ces pratiques permettrait non seulement de neutraliser le temps séparant effectivement les continents, mais aussi de combler symboliquement le « retard temporel » de l’Afrique identifié par Homi Bhabha comme trait essentiel de l’imaginaire colonial [29]. Les technologies de l’information et de la communication (Tic) devaient amener les étudiants à « rattraper » le monde développé contemporain par une normalisation temporelle infléchie par la pensée utopique [30].

 

Fervent et fidèle défenseur du panafricanisme [31], Abdoulaye Wade envisageait son université comme une institution fondamentalement panafricaine et son campus comme le point de départ d’un réseau d’universités dispersées sur l’ensemble du continent. D’autres sites devaient émerger par la suite en Afrique centrale, en Afrique de l’Est et en Afrique australe. Quant à l’Afrique du Nord, déjà suffisamment dotée selon Camara, l’émergence d’un nouveau campus n’était pas perçue comme nécessaire – une exclusion discursive qui, à n’en pas douter, reflétait les difficultés historiques du panafricanisme à intégrer le Nord arabe dans les initiatives unificatrices. Les Africains issus de la diaspora étaient pour leur part courtisés via le développement du programme d’études africaines spécifiquement destiné aux étudiants du Nouveau Monde, souvent qualifié de « sixième région » de l’Afrique par le président Wade. En bref, le projet panafricain se trouvait au fondement le plus profond de l’Université du Futur, que ce soit par les objectifs économiques que celle-ci devait servir, les étudiants qu’elle ambitionnait de recruter, ou encore par le vaste programme d’éducation à l’échelle continentale dans lequel elle s’insérait.

 

Un futur « en béton »

 

Les plans du campus sur lequel devait être construite l’Université du Futur furent entièrement dessinés par Pierre Atepa Goudiaby, architecte sénégalais et conseiller de la première heure dans le gouvernement de Wade. Son projet entendait marier les traits de l’héritage africain qu’alimentaient les références à l’héritage classique. Bien que le postmodernisme ne fût plus en vogue, le style de Goudiaby mêlait diverses influences, issues de lieux multiples et de temps pluriels. Inspirée par plusieurs civilisations anciennes, la façon dont les courbes s’appropriaient l’architecture classique invitait à se représenter la renaissance africaine en cours. La forme en arc de triomphe du bâtiment administratif qui faisait office d’entrée du campus était une référence à la Rome antique, alors que les colonnes qui s’y inséraient étaient là pour rappeler les héritages de l’Égypte ancienne (voir le cahier photos de Judith Quax dans ce numéro). Il fallait franchir cette arche pour atteindre le principal édifice du campus qui accueillait, au cœur du site, la bibliothèque centrale ; une bibliothèque dont la forme conique de pyramide inversée symbolisait la connaissance acquise par les étudiants au fil de leurs études, tout en empruntant à la symbolique pyramidale représentative du panafricanisme, dont l’accès était désormais assuré par voie numérique. Certes, la prétention à inscrire le présent dans la continuité d’une civilisation africaine prenait délibérément forme à travers les matériaux modernes censés répondre aux nécessités communicationnelles du troisième millénaire. Mais l’amphithéâtre disposé au centre de ce complexe utopique avait moins vocation à rappeler la lointaine Grèce antique que l’École Ponty toute proche, où aujourd’hui encore l’ancien amphithéâtre central se dresse parmi des ruines investies par les bougainvilliers anarchiques. Rares sont les images exprimant avec une telle justesse les vestiges d’une pédagogie coloniale, tels ces bougainvilliers enracinés sauvagement dans l’amphithéâtre en ruines. Le théâtre, élément central de la pédagogie de l’École Ponty, se trouvait ainsi réintroduit dans l’Université du Futur à l’instar des graines de l’excellence auxquelles la mémoire mythique de Ponty aime à se référer, semées désormais sur le sol fertile d’une ville ravivée, Sébikotane.

 

Conçue comme un projet panafricain, l’Université du Futur n’aurait jamais vu le jour sans les réponses favorables et la bienveillance exprimées par divers chefs d’État africains. Mohamed Camara se souvient de la visite systématique du site de Sebi Ponty et d’une présentation détaillée de l’état d’avancement des travaux, par ses propres soins, à chacune des visites officielles au Sénégal. Les noms des pavillons portent aujourd’hui encore la marque des promesses de dons ainsi obtenues. Le président Teodoro Obiang finança la Maison de la Guinée équatoriale, le roi du Maroc Mohamed vi le Grand amphithéâtre Hassan ii, du nom de son père, quant au président français de l’époque, il apporta les fonds nécessaires à fondation du Pavillon Jacques Chirac. Les Nations unies furent également sollicitées afin de financer ce qui devait être la Maison de l’Onu, comme l’indiquent les publications promotionnelles qui font en outre référence aux fonds à venir des États-Unis ou des organisations internationales tels que le G8 et l’Union européenne.

 

Pour assurer la viabilité économique de l’université, Wade semble en partie avoir puisé dans ses souvenirs du temps passé à l’école coloniale de Sébikotane, notamment en matière de programmes liés à l’agriculture. L’infrastructure qu’il projeta sur l’université était en effet tout à fait similaire, que ce soit par l’organisation d’ateliers agricoles, l’élevage, les activités avicoles ou halieutiques. Ces ateliers avaient pour objectif d’assurer la viabilité économique et la rentabilité financière de la structure universitaire. En imitant les modes de production d’une chaîne française de supermarchés, Camara visait l’autarcie financière de l’université :

« Nous voulions une université qui serait une ville en elle-même. Sebi Ponty aurait été une véritable ville, avec un supermarché, avec des fermes alentours. Les tracteurs de l’université auraient servi aux travaux agricoles, le site étant fameux pour cela. On trouve en effet dans cette zone un Filfili produisant ses propres produits, son lait, ses carottes, son fromage, cela ressemble à un grand supermarché produisant ses propres produits. Il exporte des tomates cerise. Ils ont également un ranch. Je reproduisais cela de sorte que les élèves puissent avoir leur propre supermarché et leurs propres produits. »

 

Entretien avec Papa Mohamed Camara, Dakar, 12 juin 2013.

 

Mais le manque de ressources financières apparut au moment même où cette structure utopique était mise en place. Lors de son premier mandat, le président Wade avait réussi à garantir le financement du projet grâce au soutien de la République de Taïwan, à hauteur de vingt millions de dollars (cent milliards de francs CFA). Le marché fut attribué à une société libanaise qui assura la construction progressive des grands bâtiments en béton resté debout jusqu’à nos jours. Mais en 2005, Wade accueillit favorablement la demande exprimée par la République populaire de Chine auprès du ministre des Affaires étrangères, Cheikh Gadio, de redynamiser les relations entre les deux pays. Ce faisant, il compromit sérieusement l’engagement de Taïwan dans la construction de l’Université du Futur africain. Les travaux se poursuivirent jusqu’à ce que, rapidement, les fonds en provenance de Taïwan se tarissent, contraignant la société libanaise au départ. Depuis 2006, les structures dressées de l’Université du Futur africain patientent, comme si le temps s’était arrêté, tel un monument de mauvais augure commémorant un futur toujours émergeant, mais déjà en ruines.

 

Afro-nostalgie

 

Les infrastructures de l’École normale William Ponty accueillent aujourd’hui plusieurs services de l’État sénégalais, dont un établissement pénitentiaire de basse sécurité placé sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur pour des détenus en régime de réinsertion sociale. À quelques centaines de mètres à peine, un centre de réadaptation sociale est entièrement dédié à la réintégration d’enfants des rues, de jeunes délinquants et d’enfants vulnérables nécessitant des programmes d’éducation spécialisés. Hérité d’une réforme pénale instaurée par l’administration coloniale en 1895, le centre de réadaptation sociale a pris possession d’une partie de l’ancienne École William Ponty en 1968. Le centre, dédié à des programmes pédagogiques visant à améliorer la santé mentale de sa population cible, concentre ses activités autour de l’agriculture et de l’aviculture, dans le but de développer les compétences de ces résidents en ces domaines. Cette éducation via l’apprentissage d’activités agricoles est en effet considérée comme appropriée aux enfants ayant grandi dans les rues de Dakar et peut être considérée, par une ironie du sort, comme la poursuite de la pédagogie dispensée à l’École Ponty, qui entendait également socialiser ses étudiants par la formation agricole. Il est tout aussi intéressant de noter que les nouveaux bâtiments dans lesquels est actuellement installé le centre de réadaptation ont été construits par l’Agence internationale de développement espagnole, en vue de fournir aux émigrants illégaux sénégalais revenus au pays une éducation leur permettant de se réinsérer dans la société. En revanche, les dortoirs donnent une sinistre impression de vide, nous rappelant l’expérience similaire de Ponty par son fort absentéisme – les étudiants tentant de s’échapper pour rejoindre Dakar et ses promesses d’emploi. Les programmes actuels du centre de réinsertion axés sur l’agriculture, imposés aux enfants des rues et aux migrants aventureux, s’avèrent par conséquent tout aussi inefficaces que la volonté de réduire la mobilité des étudiants en les « enracinant » dans la terre de Sebi Ponty. Cette initiative disciplinaire, dont l’objectif consiste à transformer une jeunesse mobile en une force de travail disciplinée et immobile, n’est pas non plus sans rappeler l’ambition coloniale qui consistait à faire des étudiants les plus doués les éducateurs des paysans africains.

 

On retrouve le caractère profondément utopique de l’ordre disciplinaire au cœur de la nostalgie que nous ont exprimé les résidents âgés de Sebi Ponty ayant connu et travaillé à l’École normale William Ponty. Lors de nos recherches in situ, nous avons pu rencontrer nombre de ces « Pontés » ? comme se font appeler les anciens membres du personnel de Ponty afin de se distinguer des « Pontins », c’est-à-dire des étudiants – dont certains occupent aujourd’hui les maisons des enseignants français de l’époque. En vivant ainsi sur les ruines de Ponty, ces personnes représentent une communauté populaire de conservateurs cultivant la mémoire de la communauté utopique qu’ils imaginent dans le Ponty d’autrefois. Au cours de nos entretiens, leur souvenir de l’école était celui d’une institution ordonnée dans laquelle les étudiants obéissaient à leurs instructeurs, contrairement aux étudiants actuels. Comme nous rappelâmes à leur souvenir les grèves lancées par les étudiants et les ouvriers africains, précisément depuis l’École normale, l’ancien responsable du personnel se souvint effectivement de quelques périodes « troubles » mais nous assura que celles-ci ne duraient jamais très longtemps. Ceux qui travaillaient autrefois à Ponty ont en commun le souvenir d’une institution à la discipline exemplaire et inflexible. Comme l’exprime une ancienne blanchisseuse de l’école : « Quand il y avait l’école, il y avait l’ordre, du travail. Mais depuis le départ, il y a le désordre [32] ». Ces travailleurs aujourd’hui âgés se souviennent avoir été au service d’une équipe entièrement composée de Blancs, de rapports coloniaux qu’ils n’ont jamais envisagé de contester, pas plus aujourd’hui qu’à l’époque. Et bien que cet agencement des effectifs reflétât le caractère raciste du colonialisme, ils n’en firent aucune mention au cours de nos entretiens. Leur description de Ponty était plutôt celle d’un « paradis sur terre », justement à cause de l’attitude paternaliste des Blancs, dont ils conservent un souvenir impérissable de générosité. L’ancien personnel se rappelle également avec mélancolie le si bon fonctionnement de l’école ; les arbres magnifiques, les chemins ombragés, les canaux d’irrigation… Un jardin luxuriant contrastant avec le spectacle qu’offrent aujourd’hui le paysage décharné et les ruines poussiéreuses de Ponty.

 

Mais si les personnes interrogées se lamentaient – jusqu’à laisser échapper des larmes – sur le sort révolu du passé colonial, la nostalgie exprimée n’était pas tant celle de la domination blanche. Leur nostalgie de l’ordre colonial était plutôt marquée de connotations panafricaines [33]. Nous faisant part de leurs souvenirs de l’école, les anciens membres du personnel ne mentionnaient guère les enseignants français alors qu’ils énuméraient avec beaucoup d’enthousiasme la liste des présidents africains étant passé sur les bancs de Ponty. La nostalgie des anciens membres du personnel faisait en effet référence à l’assemblée cosmopolite que formaient ces étudiants les plus talentueux des colonies françaises réunis en ce même lieu, Ponty. Comme le rappellent les « Pontés » de façon anachronique, c’est ici que ces futurs chefs d’État étaient formés à servir leurs pays sur la voie de l’indépendance, présentant Ponty comme une « Afrique en miniature », une université africaine avant l’heure. La nostalgie exprimée par les « Pontés » est celle d’un avenir africain qui aurait dû émerger au lendemain des indépendances, et qui ne vint jamais. La nostalgie de ce qu’aurait dû être l’Afrique, en opposition à la condition impériale qui y régnait. Leur nostalgie coloniale relevait par conséquent, fondamentalement, de l’utopie.

 

Lors de la visite guidée des ruines qui nous fut dispensée, nos pas ont croisé une multitude de temporalités qui avaient été rejetées, disséminées sur le site de Ponty. La vie sociale est organisée autour de groupes d’âges, dont chacun tente d’attirer des capitaux étrangers au village afin de réparer le bâtiment de l’école, de construire une salle de classe supplémentaire, de financer un festival d’art, etc. Ponty est saturée de temporalités ancrées dans les promesses, alors que les graines semées dans le sol fertile du village à l’époque de l’École normale continuent de germer. Certaines espérances n’ont pas été sans conséquence pour une génération trop jeune pour avoir vécu Ponty, mais ayant grandi dans le halo de son souvenir nostalgique. Notre guide à travers le village, un enseignant de l’école primaire qui s’y était établi, ne s’avouait jamais abattu par ce champ de ruines qu’étaient devenues l’École Ponty et l’Université du Futur. Il tirait son optimisme du président Wade et de ses projets mégalomanes interrompus suite à sa défaite électorale de 2012. Il fit allusion aux projets de construction initiés par Wade d’un nouvel aéroport et d’une nouvelle capitale dans la région. Il nous parla également du tracé de la nouvelle autoroute à péage qui passerait prochainement par le village et nous présenta son école comme attirant toujours plus d’élèves. Ses espoirs anxieux n’étaient pas imaginaires, car fondés sur l’idée juste d’une capitale dakaroise de plus en plus encombrée et s’étendant en direction de l’Est. Le futur moderniste qu’il présageait au village abandonné se fondait, selon lui, sur une nouvelle fonctionnalité attribuée à Ponty découlant de ces reconfigurations géographiques. Ponty est « la porte de Dakar », nous dit-il. Marchant parmi les décombres poussiéreux du village en ruines, il nous prédit : « Ici, c’est l’avenir ! ».

L’avenir panafricain projeté par le président Wade sur l’Université du Futur africain ne découle pas seulement d’une nostalgie de la période Ponty, mais au moins autant d’un caprice politique. La prévision d’un rôle futur à jouer par ses habitants pour Ponty s’explique par la dilapidation démesurée du patrimoine national par le régime de Wade ? l’allocation de parcelles de la Corniche à ses amis politiques, la vente bradée des terrains de l’aéroport national Léopold Sédar Senghor, ou encore le blanchiment de fonds obscurs via l’immobilier qui caractérisaient l’ère Wade. Quant à l’encombrement de Dakar, il a conduit à des investissements spéculatifs ayant entraîné une augmentation démesurée du prix du foncier, Sebi Ponty devenant lui aussi l’objet de ces spéculations [34]. La politique postcoloniale poursuivant l’utopie d’un projet d’éducation panafricain masque donc des pratiques du pouvoir opportunistes et corrompues autour des développements immobiliers. Pourtant, si les spéculations financières permettent de croire à nouveau à la promesse d’un avenir meilleur, certains habitants de Sebi Ponty ont cédé à la nostalgie des autres futurs possibles dont cette promesse était porteuse.

 

En demeurant sur les ruines de l’École normale déchue, les habitants de Ponty n’ont d’autre choix que de vivre avec le sentiment devenu familier d’un futur perdu. Dans le récit tragique que nous fit l’ancien contremaître du projet d’université, les pertes subséquentes à la ruine de l’École normale William Ponty puis de l’Université du Futur africain convergeaient dans un sentiment d’abjection. L’ancien contremaître était originaire de Ponty et avait travaillé dans le forage pétrolier avant d’être embauché en 2000 comme chef du site de construction de ce qui devait devenir l’Université du Futur. Au cours d’un entretien qu’il nous accorda aimablement, il nous détailla l’évolution du chantier. Sa position de contremaître avait permis à des membres de son village de travailler sur le site en tant que maçons ; le village prospéra pendant plusieurs années. Mais à partir de 2006, les ouvriers commencèrent à être licenciés. Bien que ceux-ci eussent trouvé un autre emploi ailleurs – notamment grâce aux compétences acquises sur le chantier de l’université – le contremaître était attristé par la ruine dans laquelle était tombée sa propre vie. Incapable de payer les études de son fils à l’Université de Dakar, il était manifestement affecté par le fait que cette Université du Futur, pour laquelle il avait tant donné, ne verrait sans doute jamais le jour. Ces lamentations nostalgiques sur la ruine de Ponty et de l’université étaient selon lui partagées par les habitants de son village :

 

Question : « Jusqu’à quel point est-ce que la présence de William Ponty était dans l’esprit des gens qui travaillaient ici sur ce projet ? »
Réponse : « Bon ça, je ne peux pas trop dire. Mais avant l’université là, c’étaient les mêmes mots. Parce que si tu vas à Ponty, tu as envie de pleurer. Parce que tous les présidents africains sont passés ici. Et on n’a rien fait. Le thème de ma discussion, je pense que c’est axé sur ça. Ce que l’université souffre là, l’école William Ponty a souffert, et continue de souffrir. »

 

Entretien à Sebi Ponty, 7 juin 2013.

 

Dans le village de Ponty, le contremaître déplore le manque de prise en charge des ruines de l’École Ponty – qui aurait dû être transformées en musée. Cette absence totale de volonté de conserver les ruines de l’école résonne à travers l’interruption du chantier universitaire. L’inattention portée aux décombres de Ponty révèle la négligence exprimée envers l’héritage panafricaniste que l’école véhiculait. L’Ufa ne fait qu’offrir un nouveau témoignage de cette négligence : « Bon, vous voyez, je pense que c’est une occasion de vous expliquer, mais c’est la même souffrance. C’est la même souffrance ».

 

En s’appropriant les lieux d’une pédagogie impérialiste et en ambitionnant d’en faire celui du développement afro-moderniste via l’Université du Futur africain, le président Wade projeta sa propre nostalgie d’une éducation élitiste. Mais le projet d’afro-modernité échoua, tout comme il avait déjà échoué à l’École normale William Ponty. Sebi Ponty est ainsi devenu le palimpseste des futurs où se superposent les ruines à des degrés divers. Le présent, dans lequel se trouvent enchevêtrées ces temporalités de ruines, évoque pour les habitants de Sebi Ponty la perpétuelle corruption de la culture politique sénégalaise. Du point de vue des anciens employés de l’École normale William Ponty, la ruine postcoloniale de l’école suscite le sentiment d’un présent bien éloigné des représentations de l’avenir forgées à l’époque. Dans leur nostalgie coloniale, les habitants usent de signes diacritiques de la modernité dans le but de critiquer le présent [35]. En effet, en se remémorant les conditions de la possible réalisation d’un futur panafricain au moment des indépendances, l’ancien « Pontin » et ancien ministre Assane Seck envisageait ce qui aurait pu être fait pour assurer l’avènement de la modernité panafricaine. La nostalgie implique donc bel et bien une dimension utopique en invoquant « les possibles futurs jamais réalisés [36] ». La nostalgie générée par les ruines révèle un désir tourné vers un autre futur, et le vœu qu’une autre élite puisse réaliser ce futur dont le Sénégal a été privé jusqu’ici.

 

Croiser les dimensions matérielle et temporelle des sites étudiés invite à penser les ruines de Sebi Ponty comme une fracture entre l’état actuel du délabrement et celui d’un lieu autrefois rempli d’espoir [37]. Depuis les lieux où ont été construits les bâtiments de l’Université du Futur africain, cette ligne de fracture doit être perceptible pour les Sénégalais se rappelant la promesse d’une modernité qui n’a cessé de leur échapper au fil des gouvernements successifs. Néanmoins, la réminiscence de l’esprit de Ponty à travers l’Université du Futur montre de quelle façon les utopies postcoloniales peuvent naître des ruines coloniales. Nous devons, en ce sens, rendre hommage à l’optimisme de notre guide Malick. L’espoir qu’il portait pour son village était fondé sur le projet d’autoroute qui devait bientôt atteindre Sebi Ponty, ce qui est effectivement le cas aujourd’hui. Le site de Sebi Ponty est d’ailleurs extraordinaire dans ce qu’il inspire d’espoir en l’avenir, et ce malgré le désespoir profond de la situation actuelle du Sénégal. Notre propre présence sur le site fut immédiatement interprétée comme un signe d’intérêt étranger pour la réhabilitation des ruines. Nous avons, par conséquent, des raisons de croire en la pertinence d’une comparaison entre l’Université du Future africain et ces milliers de projets de constructions immobilières réalisés par des migrants sénégalais dans la région de Dakar qui, bien qu’inachevés, représentent autant d’investissements sûrs dans l’avenir. La nostalgie de la modernité n’est pas synonyme d’une Afrique au bord de l’abysse. La modernité n’est pas en ruine. Malgré le flou de son telos, ses temporalités fragmentées et contradictoires [38], l’utopie de la modernité demeure fermement ancrée dans le champs de vision de Sebi Ponty.

 

Notes

 

[...]

La recherche que nous avons menée en collaboration sur les sites de Sebi Ponty combine nos intérêts respectifs pour les héritages coloniaux, les monuments et le rôle joué par l’École William Ponty dans l’amorce d’une tradition théâtrale au Sénégal. En mai et juin 2014, nous avons effectué deux séjours au village de Sebi Ponty où nous avons pu rencontrer Malick Guèye, enseignant d’une école primaire locale, qui nous introduisit auprès de deux anciens employés de l’École William Ponty : un ancien administrateur et une ancienne blanchisseuse. Lors de ces séjours, nous nous sommes également entretenus avec le directeur du centre de réadaptation sociale, le superviseur des travaux à l’université, ainsi que le garde actuellement chargé de surveiller les bâtiments de celle-ci. La photographe hollandaise Judith Quax nous a accompagnés tout au long de ces séjours afin de prendre des clichés des ruines de l’école et de l’université, dont une sélection fait l’objet d’un cahier spécial dans ce numéro. À Dakar, nous avons été reçus avec courtoisie pour un entretien par l’ancien responsable du projet, Papa Mohamed Camara. Au cours de recherches antérieures à Ponty, Brian Quinn s’était déjà entretenu avec l’ancien président Wade et l’ancien ministre Assane Seck. Bien que la recherche menée sur le site en question soit trop courte pour être qualifiée de terrain anthropologique, l’« archéologie » du site que nous avons réalisée nous a permis de développer une certaine sensibilité aux affects générés par le site parmi ses habitants. Que tous ces interlocuteurs, et Malick Guèye en particulier, soient remerciés pour leur disponibilité et le temps qu’ils nous a ont généreusement accordé. Ferdinand de Jong tient à remercier la British Academy pour le Mid-Career Fellowship (MD120035) qui lui a permis de réaliser ses recherches de terrain. La contribution de Brian Quinn a été financée par une bourse de la Melon Foundation.

  1. L. Coulibaly, Wade, un opposant au pouvoir. L’alternance piégée ?Dakar, Éditions Sentinelles, 2003 ; T. Dahou et V. Foucher, « Le Sénégal, entre changement politique et revolution passive. “Sopi” or not “sopi” ? » Politique africaine, 2004, n° 96, p. 5-21 ; A. Thiam, « “Une constitution, ça se révise ! Relativisme constitutionnel et état de droit au Sénégal », Politique africaine, 2007, n° 108, p. 145-153.
  1. de Jong et V. Foucher, « La tragédie du roi Abdoulaye ? Néomodernisme et Renaissance africaine dans le Sénégal contemporain », Politique africaine, n° 118, juin 2010, p. 187-204.

Sur l’École normale William Ponty, voir J.-H. Jézéquel, « Les mangeurs de craies ». Socio-histoire d’une catégorie lettrée à l’époque coloniale. Les instituteurs diplômés de l’École normale William Ponty, Paris, EHESS, thèse de doctorat en histoire, 2002.

Voir G. Hardy, Une conquête morale. L’enseignement en AOF, Paris, Armand Colin, 1917, p. III. La préface de F.-J. Clozel reflète bien la perception coloniale d’une élite africaine éduquée, arrogante et sûre d’elle.

  1. Ly, Les Instituteurs au Sénégal de 1903 à 1945, Paris, L’Harmattan, 2009.
  1. D. Segalla, The Moroccan Soul. French Education, Colonial Ethnology and Muslim Resistance1912-1956, Lincoln (NE) / Londres, University of Nebraska Press, 2009.

Élégamment exprimé par Jean-Hervé Jézéquel de la façon suivante : « Estimant que leur formation les distinguait de la masse, les Pontins se considèrent, quant à eux, comme une élite africaine et coloniale appelée à participer aux côtés des Européens à la “mission civilisatrice”. Néanmoins, les Français continuaient de considérer “les Pontins” comme une “élite indigène” située à un niveau inférieur par rapport aux Européens ». Voir J.-H. Jézéquel, « Les enseignants comme élite politique en AOF (1930-1945). Des “meneurs de galopins” dans l’arène politique », Cahiers d’études africaines, n° 178, 2005, p. 524-525.

  1. Hardy, Une conquête morale…op. cit., p. 173.
  1. L. Conklin, A Mission to Civilize. The Republican Idea of Empire in France and West Africa, 1895-1930, Stanford (CA), Stanford University Press, 1997.
  1. Hardy, Une conquête morale…op. cit., p. 172

Ibid.

Ces figures de proue comprennent, entre autres, Félix Houphouët-Boigny, Mamadou Dia, Modibo Keïta et Bernard Dadié.

Entretien avec Abdoulaye Wade, Dakar, 4 juillet 2012.

  1. Moran « Le théâtre indigène en A.O.F. », Revue Bleue, n° 75, 1937, p. 573-576.
  1. Traoré, Le Théâtre négro-africain et ses fonctions sociales, Paris, Présence Africaine, 1958.
  1. Foucher, Cheated Pilgrims : Education, Migration and the Birth of Casamançais Nationalism (Senegal), Londres, School of Oriental and African Studies, Université de Londres, thèse de doctorat, 2002.
  1. S. Senghor Souvenirs de théâtres d’Afrique et d’Outre-Afrique, Paris, L’Harmattan, 2004.

Gouvernement du Sénégal, « Université du Futur africain », Brochure, s.d. ; L’Université du Futur africain, un rêve devenu une réalité, Présentation produite et réalisée par le management de l’Université du Futur Africain, DVD (11 min. 2 sec.), français, anglais, arabe et chinois, s.d. 

Entretien avec Papa Mohamed Camara, Dakar, 12 juin 2013.

Université du Futur africainop. cit.

Ibid.

Entretien avec Papa Mohamed Camara, Dakar, 12 juin 2013.

H.K. Bhabha, The location of culture, New York, Routledge, 1994, p. 364.

Pour un autre projet d’université africaine virtuelle s’étant également soldé par un échec, voir les analyses de P.-J. Loiret, « L’université virtuelle africaine, l’enseignement à distance en trompe l’œil ? », Distances et savoirs, vol. 6, n° 2, 2008, p. 187-209.

Dans son « Un destin pour l’Afrique », Abdoulaye Wade défend la nécessité d’une union économique des États africains au sein du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (New Partnership for Africa’s Development, Nepad), en vue de fonder les États-Unis d’Afrique. Voir A. Wade, Un destin pour l’Afrique. L’avenir d’un continent, Neuilly-sur-Seine, Éditions Michel Lafon, 2005.

Entretien avec Awa Diallo, Sebi Ponty, 7 juin 2013.

Sur les multiples nostalgies, voir W. C. Bissell, « Engaging Colonial Nostalgia », Cultural Anthropology, vol. 20, n° 2, p. 215-248 ; D. Berliner, « Multiple Nostalgia s : The Fabric of Heritage in Luang Prabang (Lao PDR) », Journal of the Royal Anthropological Institute (N.S.), vol. 18, n° 4, p. 769-786.

  1. L. Coulibaly, Wade, un opposant au pouvoir…op. cit. ; T. Dahou et V. Foucher, « Le Sénégal, entre changement politique… », art. cité ; A. Thiam, « “Une constitution, ça se revise !… », art. cité.
  1. C. Bissell, « Engaging Colonial Nostalgia », art. cité, p. 216.
  1. Boym, « Ruins of the Avant-garde », inJ. Hell et A. Schönle, Ruins of Modernity, Durham, Duke University Press, 2010, p. 59.

Sur cette notion de « fracture », voir G. Gordillo, « Ships Stranded in the Forest : Debris of Progress on a Phantom River », Current Anthropology, vol. 52, n° 2, avril 2011, p. 141-167. En effet, un sentiment de crise au Sénégal renforce l’impression que les futurs sont fragmentés, plutôt que partagés. Voir N. Tousignant, « Broken Tempos : Of Means and Memory in a Senegalese University Laboratory », Social Studies of Science, vol. 43, n° 5, 2013, p. 729-753.

  1. Melly, « Inside-Out Houses : Urban Belonging and Imagined Futures in Dakar, Senegal », Comparative Studies in Society and History, vol. 52, n° 1, 2010, p. 52.En ligne

Mis en ligne sur Cairn.info le 11/12/2014

https://doi.org/10.3917/polaf.135.0071

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(*) Politique africaine 2014/3 (N° 135), pages 71 à 94

 



06/05/2024
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