AMICALE DES ANCIENS DE L'ECOLE NORMALE WILLIAM PONTY

AMICALE DES ANCIENS DE L'ECOLE NORMALE WILLIAM PONTY

Contribution à l’amélioration de l’utilisation des outils de la continuité pédagogique au Sénégal

  Par Le Comité Scientifique et Pédagogique *

 

 

Introduction

 

Depuis le 14 mars 2020, le président de la  République du Sénégal a décidé la fermeture des établissements publics et privés du préscolaire, de l’élémentaire, du moyen-secondaire et des universités Leur réouverture est annoncée en ce qui concerne les classes d’examen de l’élémentaire et du moyen-secondaire le 2 juin prochain. Diverses stratégies sont déployées par les ministères concernés pour combler cette période de vacuité et assurer la continuité pédagogique.

 

L’Amicale des anciens élèves de l’Ecole Normale William Ponty de Thiès, « Pontins Pour Toujours » s’est fixé comme ambition d’accompagner les ministères en charge de l’éducation en particulier le Ministère de l’Education nationale dans son projet « Apprendre à la maison ».

 

C’est dans cette perspective que le Comité scientifique et pédagogique (CSP), organe de réflexion de cette amicale a élaboré le présent document qui comprend deux parties.

 

La première partie (1) à la fois cadre théorique et conceptuel, est un rappel sur la pédagogie centrée sur l’apprenant et pouvant déboucher sur l’autonomie dans les apprentissages.

 

La deuxième partie (2), plus utilitaire et méthodologique, donne des informations sur la manière de concevoir des vidéos en rapport avec cette pédagogie.

 

Le document se termine par des éléments de bibliographie permettant éventuellement au lecteur intéressé, d’aller plus loin, aussi bien au niveau théorique que méthodologique.

1      La pédagogie centrée sur l’apprenant

 

La pédagogie centrée sur l’apprenant s’est beaucoup répandue dans le monde ces dernières décennies. Les acteurs du développement international et les gouvernements la considèrent largement comme « bonne pratique » éducative (globalpartnership, 2016)

1.1      Les types d'apprenants

Nous n’apprenons pas tous de la même manière. En effet, différents profils d'apprenants existent avec trois types prédominants. Chacun de ces types a ses contraintes, ses avantages et surtout des besoins bien spécifiques. Agnès Perrin-Turenne de Academia note un profil majeur et des profils mineurs (Reboulleau, 2020). Tous peuvent évoluer au cours de l'apprentissage. Il est donc nécessaire de trouver un bon équilibre entre les méthodes.

 

Cependant, il est possible de privilégier un profil par rapport à un autre. (Reboulleau, 2020)

Le public enseigné est constitué d’êtres humains ayant des traits et caractéristiques fort complexes et hétérogènes dont il faut tenir compte. Eu égard à cette hétérogénéité, les stratégies,  les méthodes et les moyens d’apprentissage diffèrent d’un apprenant à un autre. C’est ainsi que les spécialistes ont classé les apprenants en différents types dont trois sont statistiquement majoritaires et souvent adoptés dans les recherches : les apprenants auditifs, les apprenants visuels et les apprenants kinesthésiques.

1.1.1     Les apprenants auditifs

Cette catégorie apprend mieux grâce à l'écoute. Les mots sont inscrits dans leur mémoire et le fait de les écouter et réécouter  leur permet de mieux les intégrer. Donc, pour faire travailler un apprenant auditif, il faut se baser sur l'écoute et la réécoute ; ainsi, à l’école, les enfants à dominante auditive ont avant tout besoin de se concentrer et d’entendre la leçon premièrement de la bouche de leur professeur. Ils auront ensuite besoin de réécouter à loisir leur cours afin de le mémoriser, le comprendre, le fixer et en faire l’exploitation. Pour cela, certains choisissent de s’enregistrer en lisant leur cours.

1.1.2     Les apprenants visuels

Ils ont besoin de voir pour retenir. Ils utilisent pour cela la lecture mais aussi des schémas, des images, des codes, etc. Pour faire travailler un apprenant visuel, il faut faire appel à tout ce qui attire le regard comme les schémas, les couleurs, les images, les cartes, etc.

Les codes de couleurs sont utilisés dès le plus jeune âge et fonctionnent très bien, de même que les fiches de révisions : le fait d'avoir un cadre qui sert de repère, avec des éléments qui ressortent plus que d'autres favorise la rétention de l’information.

1.1.3     Les apprenants kinesthésiques

Ils sont statistiquement moins nombreux que les autres types. La kinesthésie se rapporte à la sensibilité du mouvement. Pour apprendre,  les kinesthésiques ont donc besoin de passer par la manipulation d'objet. L’apprentissage passe par l’action et le mouvement.

 

Un élève qui a un profil pédagogique kinesthésique, a besoin pour apprendre :

– de bouger ;

– de manipuler ;

– de ressentir ;

– d'être actif.  

 (donnezdusens, 2012)

1.2      L’autonomie dans les apprentissages

L’activité d’apprentissage, la notion d’apprenant et partant son rôle et son statut sont en constante évolution. Celle-ci se fait sous l’éclairage des théories de l’éducation, des courants psychologiques et des apports du courant des didactiques des disciplines.

 

Nous sommes passés d’un élève dont le rôle dans la classe est d’écouter, suivre, imiter, répéter et appliquer, à un apprenant dont le rôle est d’agir, d’’interagir et de mobiliser toutes ses compétences pour apprendre. Ainsi, le rôle de l’apprenant n’est plus apprendre, mais apprendre à apprendre; autrement dit son rôle aujourd’hui est de chercher comment s’approprier les moyens d’apprendre, c’est-à-dire être autonome. Ce changement de posture de l'apprenant se manifeste par le fait d’être actif en classe; les activités de l’apprenant s’appuient sur une intelligence que l’enseignant est censé capable de réactiver et de stimuler. L’enseignant permet ainsi à l’apprenant d'acquérir des méthodes et des stratégies de pensée et d’action. En classe, l’enseignant doit proposer à l’apprenant des activités selon l’intérêt, les besoins et les attentes de ce dernier. Les activités doivent être significatives pour l’apprenant, c’est-à-dire articulées à ses intérêts et besoins. C’est ainsi que l'apprenant sera capable de construire son savoir et développer ses compétences tout seul ou en équipe dans une approche coopérative ou collaborative. En coopération, il jouera sa partition avant la mise en commun autrement dit une tâche spécifique lui sera confiée au départ. En collaboration, il exécutera toutes les tâches en même temps que les autres membres de l’équipe ou du groupe.

 

Nous pouvons ainsi dire que la révision du statut de l’apprenant et de l’apprentissage a conduit certainement à la révision du statut de l’enseignant et l’enseignement. Ainsi du statut de dépositaire du savoir et de la compétence dont le rôle est de les inculquer, l’enseignant est passé au statut de facilitateur, de mentor, dont le rôle est d’aider l’apprenant à développer et à s’approprier les moyens d’acquérir les compétences. Ces nouvelles visions de l’apprenant, de l’enseignant et de l’enseignement vont modifier en profondeur les outils et approches de l’enseignement, dont la vidéo pédagogique.

2      La vidéo pédagogique, outil de continuité pédagogique

2.1      Quel est le but de la vidéo pédagogique ?

 

La vidéo pédagogique a connu un essor grâce au développement, dans le monde anglo-saxon et au Canada, de la pratique de classe inversée (voir annexe). Cette dernière offre des ressources aux apprenants, notamment des vidéos qui leur permettent d’acquérir des savoirs à la maison et ensuite  de suivre les activités correspondantes en classe. Quand bien même il est possible de télécharger sur Internet de nombreuses vidéos pédagogiques, il est préférables pour l’enseignant de créer des vidéos personnelles qui correspondent en tous points aux objectifs qu’il assigne à son cours. Cela permet ainsi de guider l’apprenant dans un  travail personnel et à son rythme. En effet, l’apprenant peut manipuler la vidéo à sa guise : l’arrêter, la reprendre, la regarder plusieurs fois avant le cours ce qui constitue un gain de temps en classe.

 

Dans le contexte actuel de la Covid-19, la vidéo pédagogique peut constituer un outil précieux de continuité pédagogique. (ac-strasbourg, 2020)

2.2      Une variété d’outils mais l’exigence est la même

Plusieurs modalités de création de vidéos s’offrent à l’enseignant :

  • il s’exprime face à l’apprenant par le biais d’une webcam
  • il s’exprime sans être visible par un document audio
  • il combine sa voix (commentaires, explications…) à une vidéo déjà existante.

 

Dans tous les cas, les règles qui suivent lui permettent de gagner du temps et d’être efficace :

- créer à l’avance un script très précis de ce que l’on veut dire et mettre en relief, ceci afin de limiter le nombre de prises ;

 - insister sur la diction pour qu’elle soit claire et irréprochable, car le son de la vidéo finale peut être de moins bonne qualité ;

 - préparer à l’avance les images à commenter, les animations sur l’écran, par exemple sous forme de présentation pour que le déroulé soit fluide ;

 - Limiter à 5 mn le propos pour qu’il soit efficace.

2.3      La vidéo pédagogique efficace

2.3.1     Les dix commandements d’une vidéo pédagogique efficace.

Sydo (2015) nous donne ci-dessous les dix commandements d’une vidéo pédagogique efficace.

 

  1. Surprendre

Des titres et des scénarios accrocheurs permettent de susciter l’effet de surprise et d’attiser la curiosité de l’apprenant.

 

  1. Les mots et la structure

Adapter son discours à l’objectif pédagogique et au niveau des apprenants. Pour cela, Il faut travailler la structure de la vidéo et la qualité de son explication en utilisant des mots simples, des phrases claires.

 

  1. L’usage de l’humour favorise la mémorisation mais il ne faut pas en abuser. Il permet de prendre plaisir à apprendre.
  2. Humaniser le discours

Personnaliser sa prise de parole la rend plus intéressante et plus facile à mémoriser. Pour convaincre son auditoire, il n’a rien de plus efficace que de jouer sur les émotions. Le public sera ainsi plus réceptif.

 

  1. Rendre acteur

Il est possible de rendre des vidéos interactives en intégrant des questions pour solliciter la réaction de l’apprenant.

 

  1. Changer le rythme

La monotonie est assommante. Pour tenir en éveil les apprenants, il faut changer le rythme de la voix, sa tonalité et faire des pauses silence. 

 

  1. Créer des liens

Nous apprenons mieux lorsque nous créons des liens et faisons des associations et discriminons (faisons la différence). L’aptitude à créer des liens fait intervenir un processus de connexion entre des connaissances antérieures et de nouvelles connaissances et expériences. Ce processus permet aux élèves de relier ce qu’ils lisent, voient, font et expérimentent eux-mêmes, au monde qui les entoure et/ou, à d’autres choses lues, vues ou expérimentées antérieurement.

 

  1. Rester sobre

Il ne faut pas embrouiller le cerveau de l’apprenant. L’explication doit rester synthétique, le superflu est à éviter. Si des dessins sont utilisés, ils doivent être au service de l’objectif fixé de la vidéo pédagogique et faciliter l’apprentissage.

 

  1. Synchroniser

Il est primordial de synchroniser ce que l’apprenant lit avec ce qu’il voit et ce qu’il entend. Autrement dit, ce que l’apprenant voit doit correspondre à ce qu’il entend. La synchronisation est le critère déterminant de la qualité d’une vidéo pédagogique.

 

  1. Ancrer les visuels

Evitez de retirer du champ visuel de l’apprenant les mots clefs et les liens du message.  Les vidéos sont souvent créées plan par plan et l’apprenant peut très vite oublier des éléments. (proactech, 2015)

 

Par ailleurs, les opinions s’accordent en ce qui concerne la  durée du format : afin de ménager la charge cognitive de l’apprenant et ne pas le lasser, il faut privilégier un format court (entre trois et sept minutes).Si la mémoire de travail n’est pas soumise à de trop nombreuses informations, le passage des connaissances dans la mémoire à long terme se fera plus facilement.. (Bellec & Tricot, 2013)

 

Pour des vidéos de n’importe quelle durée, une étude  récente suggère que la durée médiane maximale pendant laquelle les apprenants maintiennent leur attention est de six minutes.

Est donc considéré comme un effort inutile le fait de réaliser des vidéos plus longues que 6 à 9 minutes.

 

Toutefois, il est possible de contourner cet écueil en incluant des pauses à l’intérieur des vidéos. Ces pauses permettent aux apprenants  de répondre à une question et ensuite de reprendre leur visionnement après leur réponse. (profweb, 2017)

 

L’utilisation de la vidéo pédagogique doit être centrée sur un apprentissage actif.

2.3.2     La vidéo pédagogique et l’apprentissage actif

L’enseignement actif s’oppose à l’enseignement magistral ou enseignement passif. Il est souvent confondu avec la classe inversée, l’apprentissage par problèmes, l’apprentissage par projet ou la pédagogie de la découverte. La portée de l’apprentissage actif est en réalité plus large : il se réfère à une grande variété de méthodes pédagogiques dont le point commun est l’engagement des apprenants dans une tâche et la réflexion sur ce qu’ils font.

(EDUQ.info, 2017)

 

Il existe un certain nombre de limites dans l’utilisation pédagogique des vidéos. Dans les lignes qui suivent, notons deux limites particulièrement importantes dans le paradigme de l’enseignement apprentissage centré sur les apprenants.

 

  1. Le visionnement des vidéos quoique très motivant ou divertissant, reste une activité d’apprentissage passif.
  2. Nous ne sommes pas informés sur l’utilisation que font les apprenants des vidéos mis à disposition. Quels sont, par exemple, les apprenants qui ont visionné les vidéos proposées ? Qui les a regardées entièrement ? Parmi ces derniers, qui a compris les concepts présentés dans les vidéos ?

(profweb, 2017)

 

Pour aider les apprenants à tirer profit au maximum d’une vidéo pédagogique, il est important de fournir des outils pour les aider à traiter l’information et pour sonder leur propre apprentissage. Plusieurs façons de le faire efficacement existent.

2.3.3     Utiliser des questions de guidage.

En fournissant des questions de guidage aux apprenants, il a été démontré que ces derniers présentaient une rétention améliorée des informations.

 

  1. Utiliser des fonctionnalités interactives qui donnent le contrôle aux apprenants.

Il peut être intéressant de fournir aux apprenants la possibilité de contrôler le mouvement durant la vidéo, en sélectionnant des sections importantes à réviser et en revenant en arrière lorsque c’est nécessaire. Il a été démontré que le fait de donner un tel contrôle aux apprenants augmente la réussite de l’apprentissage, et mène à une plus grande satisfaction de la part des apprenants. Ce niveau d’interactivité peut être atteint en utilisant des outils comme les annotations dans YouTube ou d’autres outils pour étiqueter des sections de vidéos.

 

  1. Intégrer des questions dans les vidéos.

Plusieurs outils, comme Zaption et EDpuzzle, permettent aux enseignants d’incorporer des questions directement dans les vidéos et donnent une rétroaction immédiate basée sur les réponses des apprenants. Ces outils d’évaluation permettent aux enseignants de mesurer le degré de compréhension du contenu à un moment donné durant la présentation de la vidéo, de façon à ce que les apprenants atteignent un certain niveau de compréhension avant de pouvoir poursuivre vers les autres sections de la vidéo. À travers des questions et des interactions habilement conçues, les outils d’évaluation dans les vidéos interactives peuvent permettre une évaluation formative en continu.

 

Dans une étude comparative de l’effet des vidéos interactives avec des questions intégrées à des vidéos interactives sans questions intégrées, les auteurs ont trouvé une amélioration de la performance des apprenants aux examens par les questions intégrées.

Le suivi de l’utilisation des vidéos par les élèves et leur apprentissage est rendu plus facile par les capacités analytiques des outils d’évaluation des vidéos interactives. Les enseignants peuvent voir quels apprenants ont complété le visionnement des vidéos prescrites et évaluer les progrès individuels et ceux de la classe. De plus, les enseignants peuvent obtenir de l’information sur les questions avec lesquelles les apprenants ont eu le plus de difficulté. Ceci est particulièrement utile pour la planification des concepts et du contenu sur lesquels mettre l’accent dans le cours (profweb, 2017).

Conclusion

 

Cette contribution du Comité scientifique et pédagogue (CPS) de Pontins Pour Toujours (PPT) a mis l’accent sur la centralité de l’apprenant dans l’utilisation des vidéos pédagogiques en contexte de Covid-19 dans le cadre de la continuité pédagogique décidée par la tutelle ministérielle. Mais l’apprentissage ne s’est jamais limité au cadre des établissements scolaires. Ainsi, au-delà de la Covid-19, la continuité pédagogique doit être considérée comme un défi à relever dans tous les nouveaux contextes de formation.

La vidéo pédagogique représente aujourd’hui un nouveau support d’apprentissage qui  fournit une aide précieuse à l’enseignant et à l’apprenant.

Il n’existe pas de bonnes ou de mauvaises catégories de vidéos pédagogiques mais une réflexion approfondie doit être menée pour se poser les bonnes questions en vue de leur conception et de leur utilisation avec les apprenants. La vidéo pédagogique apporte une nouvelle dimension dans l’apprentissage ce qui l’oppose ainsi au cours magistral.  Elle trouve une bonne place actuellement dans la classe inversée de plus en plus répandue dans le monde de l’éducation (proactech, 2015).

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Annexe : La classe inversée.

 

Les premières expériences de pédagogie inversée sont nées à Harvard dans les années 90 avec  ÉRIC MAZUR, professeur de physique de son état. Mais, c’est SALMAN KAHN, mathématicien américain qui a réellement développé le concept.  Pour encadrer les enfants de sa famille, en 2004, il avait développé des vidéos sur YOUTUBE.  Il se rendit compte que des centaines de personnes consultaient ses vidéos.

Cette opportunité lui ouvrit la gloire.

 

Bill Gates et Google lui offrirent 3,5 millions de dollars. Il fonda Kahn Académie. Aujourd’hui, le marché est  devenu très ouvert. (D'Hoine, 2017)

 

I. CLARIFICATION CONCEPTUELLE

 

Dans sa définition de base, la classe inversée ou « flipped learning » consiste à inverser le concept traditionnel de classe en organisant différemment le temps de travail à l’école.

Il s’agit de passer du « face à face » au « côte à côte » pour renverser les perceptions pédagogiques :

  • L’apprentissage des leçons se fait à la maison en utilisant les TICE (capsules vidéos « terme venant du Québec qui désigne toute production écrite, orale ou audiovisuelle qui traite, de manière condensée, d’un sujet ou d’un thème », lectures personnelles, visites virtuelles, podcast...)
  • Les devoirs et les exercices se font en classe, ensemble, par des activités d’apprentissage actif, de d ébats et de discussions.

Ainsi donc, « la partie transmissive » de l’enseignement se fait à distance alors que la « partie  apprentissage » se déroule en classe. (D'Hoine, 2017)

 

 

II. LES AVANTAGES DE LA CLASSE INVERSÉE

 

  • Redonne du sens à la présence en classe.
  • Valorise l’autonomie et favorise la coopération entre les élèves.
  • Le suivi est plus personnalisé ; l’approche est plus individualisée.
  • Elle a un impact positif sur l’apprentissage (exemple, en résolution de problème).
  • Elle permet à chaque apprenant d’aller à son propre rythme.

(D'Hoine, 2017)

 

 

Les principaux avantages de la classe inversée sont :

 

Pour l’enseignant :

  • mieux remplir son rôle de guide ;
  • permettre un enseignement différencié ;
  • augmenter sa disponibilité pour chaque élève lors de la classe ;
  • augmenter le temps de mise en activité des élèves.

 

Pour les élèves :

  • les responsabiliser dans leur apprentissage ;
  • progresser à leur rythme et développer leur autonomie ;
  • améliorer l’assimilation des apprentissages ;
  • augmenter leur motivation.

(classe-de-demain, 2019)

 

III.  SCHEMA TYPE DE L’ORGANISATION D’UNE CLASSE INVERSEE

 

Il n’existe pas encore une méthode toute faite, mais la plus répandue s’organise autour d’ateliers, en petits groupes.

 

Ainsi, on peut admettre cinq étapes :

 

    1. L’élève s’imprègne des notions chez lui, avant le cours.
    2. Le maître dépose une capsule de quelques minutes dans l’intranet de l’école
    3. Il dépose également un quizz qui permet à l’élève de s’auto évaluer
    4. Le maître prend des informations sur le niveau de compréhension de chacun des élèves
    5. Le maître met en place des groupes homogènes pour les ateliers
    6. L’enseignant fixe le cap en classe

Il fait le récapitulatif de la leçon du jour

    1. Les élèves se regroupent en atelier

Les élèves mettent en pratique la notion sous forme de devoir ou d’activités à réaliser

    1. Restitution des travaux de groupe au groupe classe.

C’est le moment de valider les notions acquises. Les débats et les discussions sont ouverts entre élèves ; des questions sont posées au maître. Il lui appartiendra, à la fin des interactions, d’objectiver les productions réalisées par les élèves.

    1. Créer un chef-d’œuvre

 

A la fin du module, chaque groupe réalise une production commune

Ex : une carte murale

 

IV.  CONDITIONS DE REALISATIONS D’UNE CLASSE INVERSEE

 

A. CONDITIONS TECHNIQUES

 

   a. Pour l’élève

 

Il faut s’assurer que l’élève a un accès :

    1. à l’internet à la maison
    2. aux services d’un centre de documentation et d’information
    3. à une bibliothèque.

 

Au cas contraire, il faut lui faire des copies de fichiers sur une clé USB ou sur DVD.

Le matériel minimal pour un élève c’est un ordinateur ou une tablette. Cependant, l’indisponibilité de ce matériel pour l’élève ne doit en aucun cas être un motif pour éloigner un élève quelconque du processus de la classe inversée.  Afin de satisfaire cette exigence, l’imagination et la créativité de l’enseignant sont vivement sollicitées.

 

b. Pour le maître

 

Le maître a besoin du même matériel cité pour l’élève. Mais en plus, il doit disposer d’une caméra pour produire les capsules dont il a besoin comme supports.

La classe doit être dotée d’un matériel collectif. Il peut être un ordinateur et un vidéo  projecteur, un tableau interactif pouvant servir à enregistrer et diffuser les capsules.

La satisfaction des équipements n’est pas une fin en soi. La connaissance de la démarche de réalisation aussi ne suffit pas pour réussir la transformation d’une classe traditionnelle en une classe inversée.

 

B. CONDITIONS PEDAGOGIQUES

 

La première condition consiste à laisser les élèves se familiariser et à prendre leurs marques. Le maître peut regarder une capsule  avec eux et réaliser les tâches incluses dans le processus pour qu’ils aient un exemple du type de travail qui les attend.

 

Une préparation structurée, en amont, s’impose au maître. Il s’agira surtout de procéder par étape :

 

  • définir les activités qui seront conduites en présence des élèves ;
  • spécifier l’utilisation du temps en classe ;
  • choisir le contenu qui sera inversé.

 

Des exigences fortes pèsent sur la qualité des capsules. Elles doivent être courtes expressives et compréhensibles par les élèves.

Dans le plan de travail qui sera présenté, l’élève devra comprendre si le travail è domicile sert :

  1. à transmettre des connaissances ;
  2. à faire le point sur des notions importantes ;
  3.  à introduire une activité.

 

A partir de ce moment, l’élève sait  vers quoi il va et ce que l’on attend de lui. Du coup, l’enseignant peut repérer les faiblesses et les réussites de l’élève mais,  l’élève lui-même est préparé à identifier ce qu’il peut améliorer et devenir l’acteur de ses apprentissages. Le parcours devient individuel et personnalisé. Le plan de travail de l’élève peut ainsi être conçu comme un document dans lequel il planifie ses activités à partir de :

 

  • ce qu’il souhaite,
  • ce qu’il peut réaliser,
  • ce qu’il a à acquérir
  • ce qu’il a à maîtriser au terme de son cycle.

 

De façon plus explicite, l’élève doit pouvoir, face à une consigne, se poser les questions suivantes :

 

En début d’apprentissage

 

  • ce que je sais déjà sur… (ou ce que je crois savoir sur la consigne)
  • ce que je veux savoir sur (ce qui me questionne)

 

A la fin de tout apprentissage

 

  • ce que j’ai appris de nouveau
  • voici comment je l’ai appris
  • ce que je vais faire avec ce que j’ai appris :
    • je vais l’utiliser dans la même matière ;
    • je vais l’utiliser dans une autre matière ;
    • je vais l’utiliser dans ma vie personnelle.

 

Il existe une liste importante de mots pour permettre à l’élève de préciser ses apprentissages à chaque étape du processus et d’interagir avec le maître.

 

Ex : je sais déjà ; mon prochain défi est ; j’ai trouvé l’étape suivante difficile ; j’ai développé l’habileté suivante ; j’aimerais avoir une rétroaction positive sur ; etc…

 

Avec l’avènement de la classe inversée, les tenants de la pédagogie libertaire semblent avoir découvert des alliés pour exiger l’effacement du maître. Pourtant, c’est maintenant plus que jamais que l’on a besoin du maître. Et de quel maître ?

 

 

 

V. LE RÔLE DU MAITRE DANS UNE CLASSE

 

Il découle de ce qui précède que la classe inversée nécessite des exigences technique et managériale importantes de la part du maître. Sa relation avec le savoir tout comme sa relation avec l’élève changent fondamentalement. Il doit être perspicace, empathique, réactif, organisé, patient avec une grande capacité d’écoute. Il doit se convaincre qu’il n’informe plus, il communique. Mais, cette communication n’est possible que s’il sait l’organiser. Construire sa capsule ou utiliser celle d’un collègue nécessite de sa part un très grand discernement pour qu’elle ait toutes les caractéristiques d’une bonne capsule.

 

Le maître est attendu dans l’organisation de la classe, l’élaboration de consignes simples univoques et expressives, la construction de quizz qui lui assurent un meilleur canal d’interaction avec ses élèves. Ici, on continue encore de parler de maître mais, son rôle essentiel, encore plus complexe, est celui d’un animateur, d’un facilitateur d’un aiguilleur.

 

Il doit repenser toute sa pédagogie pour se donner les moyens de trouver, grâce à la diversification, la stratégie qui convient à chaque élève.

 

Les pédagogies « pédocentrées » qui peuvent permettre à la classe inversée de s’insérer sont nombreuses. On peut les citer sans insister sur les apports bénéfiques qu’elles peuvent lui assurer ni sur les points d’insertion possibles :

  1. la pédagogie différenciée qui est un « outil pour gérer et réduire les écarts entre élèves… » (Bernard Rey) ;
  2. la pédagogie active qui repose sur la notion d’activité qui elle-même s’appuie sur celle d’intérêt. Si les capsules ne sont pas expressives et motivantes, elles ne peuvent pas susciter l’intérêt des élèves et sans intérêt il n’y a point d’activité ; sans activité il  ne peut y avoir d’apprentissage ;
  3. La pédagogie du projet, la pédagogie de groupe, la pédagogie de maîtrise sont toutes des terreaux fertiles pour la classe inversée.

 

Dans la « grammaire » de l’éducation nationale sénégalaise, la classe inversée n’est pas encore à l’ordre du jour. L’introduire dans le système éducatif sénégalais peut être très salutaire mais les contraintes ne manquent pas.

 

 

VI. ONTRAINTES POUR L’AVENEMENT DE LA CLASSE INVERSEE AU SENEGAL

                                   

- TECHNIQUE

 

Le Sénégal est à ce jour très peu pourvu en électricité. Beaucoup de villages n’en ont pas et ne peuvent donc entrer dans une ère informatique. Or, l’équité nous recommande d’offrir à tous les enfants du pays les mêmes chances de réussite.

 

La première grosse difficulté est bien entendu l’équipement informatique. La mise à disposition d’ordinateurs aux enseignants et à tous les élèves est, dans le contexte actuel de notre pays, illusoire.

 

Et, si la machine fait défaut l’intranet ne peut pas être envisagé. Mieux, les enseignants qui devraient les manipuler n’ont pas la formation requise. S’ils ne savent pas utiliser l’ordinateur, faire de la programmation, il ne leur est guère possible de créer des capsules ou d’organiser les échanges interactifs avec leurs élèves.

 

  - PEDAGOGIQUE

 

La première difficulté pédagogique réside en l’homme, c’est-à-dire, le maître. Le niveau de formation de celui-ci constitue un handicap sérieux. Les exemples peuvent être choisis dans de nombreux domaines.

 

La deuxième est d’ordre physique, liée à nos classes et à nos effectifs pléthoriques. Nos enseignants, face à cette situation, ont toutes les peines du monde pour dérouler une pédagogie différenciée. Ils ne comprennent pas encore que dans l’approche par les compétences la démarche est par essence différenciée. Et cela pose la question de savoir à quel moment la préparation doit être faite.

 

Jean Marie De Ketele nous enseigne que, dans une approche par les compétences, il faut commencer par une évaluation avant d’aborder chaque compétence.

Il propose que l’épreuve qui est proposée soit du niveau de la compétence. Ainsi, nous pouvons nous retrouver en face de types d’élèves qui disent « je sais déjà », d’autres qui disent « je ne comprends pas tout » et une troisième catégorie qui dit  « j’aurais souhaité que». Ainsi, face à la même notion, l’enseignant se retrouve avec trois cibles différentes, donc trois objectifs différents :

 

    1. un objectif d’apprentissage basique « je ne comprends pas du tout » ;
    2. un objectif de perfectionnement « j’aurais souhaité que » ;
    3. un objectif d’approfondissement « je sais  déjà ».

 

Malheureusement, quand le maître fait sa préparation il ne fait aucune distinction dans sa stratégie de prise en charge des différentes cibles. On ne peut guère dire qu’un tel maître peut faire de la pédagogie différenciée. Les exemples pourraient être multipliés. Cela démontre à suffisance le besoin colossal de formation de nos maîtres face à ces enjeux futurs.

 

conclusion

 

Les changements intervenant dans notre monde moderne surviennent à une vitesse vertigineuse. Pour coller au train du développement, nous devons impérativement nous mettre à niveau.

 

La classe inversée est une possibilité offerte pour avoir une école démocratique qui donne une égale chance à tous ses fils et filles. Nous devons nous y préparer. Les difficultés sont réelles mais elles ne sont pas imparables. Cependant, la bataille de l’équipement doit être menée pour un avènement possible de l’introduction de la classe inversée dans notre école. En menant de front cette politique d’équipement et de formation nous pouvons, à coup sûr, être au rendez-vous de l’efficience dans nos classes. La classe inversée n’est pas une invention hors de notre portée. D’ailleurs, dans son développement, seuls le concept et la ressource numérique sont nouveaux. Pour le reste, elle ne diffère en rien de la gestion d’une classe verticale.

 

 

Références

 

ac-strasbourg. (2020). Créer des vidéos pédagogiques. Récupéré sur ac-strasbourg.fr: https://www.ac-strasbourg.fr/fileadmin/pedagogie/histoiregeographie/TICE/GFA_TICE/Creer_des_videos_pedagogiques.pdf

Bellec, D., & Tricot, A. (2013). Étude des systèmes techniques en enseignement secondaire : apports de la théorie de la charge cognitive. Récupéré sur https://journals.openedition.org/rdst/761

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(*) Composition du CSP

 

 

Président : Alioune Moustapha Diouf

Vice-Président : Mafakha Touré

Rapporteur 1 : Magatte Samb

Rapporteur 2 : Kassa Diagne

Membres :

Papa Ibra Samb

Cheikh Tidiane Sall

Baye Daraw Ndiaye

Mamadou Moustapha Boye

Lassana Cissokho

Adama Diene

 

 

Sous la direction de Ibra Diouf Niokhobaye

Président du Comité Provisoire Elargi (CPE)

 

 

 

 



22/07/2020
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