Du seuil de compatibilité et du seuil de tolérance - Par Oumar DIOP GONZ *
Voilà un autre savoir-faire fondamental qui m'interpelle, qui me fait pousser un cri d'alarme. Il s'agit du seuil de compatibilité et du seuil de tolérance.
C'est de ce savoir essentiel, souvent demandé dans les évaluations au Bac S, que je voudrais vous parler, du seul point de vue de la pratique, loin des considérations théoriques.
En quoi ce savoir est-il si fondamental?
Le seuil de compatibilité (ou de cohérence) joue un grand rôle dans toute recherche scientifique.
Pour illustrer mon propos, permettez moi d'emprunter quelques exemples à la Physique, domaine que je connais le moins mal.
La vitesse de la lumière a été déterminée par plusieurs méthodes et chaque méthode donne une valeur différente des autres. De même pour le nombre d'Avogrado-Ampère…
Pourquoi alors n'attribue-t-on, dans les livres, qu'une valeur et une seule à chacune de ces deux grandeurs?
Le maniement de l'outil vérification de la compatibilité est passé par là !
Le seuil de tolérance (ou seuil acceptabilité), est aussi un outil incontournable, surtout dans le monde technique.
Prenons un exemple, cette fois-ci, dans le milieu pharmaceutique.
Un comprimé devrait contenir une certaine masse m(r) de produit actif. Le contrôle d'un comprimé d'un fabricant donne une masse m de produit actif.
Une règle administrative fixe le seuil de tolérance.
Le seuil d'acceptabilité permet de vérifier si le comprimé respecte la norme.
Pourquoi ce savoir-faire est-il si demandé dans les évaluations majeures ?
La réponse vient d'une directive exigeant des questions à caractère expérimental dans l'épreuve du Bac en Sciences Physiques.
Souvent, dans ce type d'exercice, on a besoin d'apprécier la compatibilité ou l'acceptation.
Ceci explique l'importance de cette notion pour le candidat bachelier, et pour le futur scientifique ou technicien qu'il deviendra.
Mais, quelle est donc la raison de mon cri d'alarme ?
C'est parce que les élèves Sénégalais sont jugés sur un savoir-faire qu'ils n'ont pas explicitement appris.
Les exercices sur lesquels on les interroge sont tirés de livres de pays où cette notion est l'objet d'une leçon bien définie.
Curieusement, ces questions sont rarement traitées dans les corrigés officiels de l'Office du Bac. De ce fait, on perd une occasion en or pour améliorer le niveau des professeurs sur ce savoir-faire.
Qu'on ne se méprenne pas : ce constat n'est pas une attaque contre les équipes chargées de la confection des sujets du Bac en Sciences Physiques.
C'est l'occasion, pour moi, de leur rendre un hommage bien mérité.
Je souhaiterais que le fait de signaler cette anomalie soit, plutôt, perçu comme une contribution pour améliorer, autant que faire se peut, un travail, déjà, presque parfait.
Pourquoi cette anomalie (évaluation d'une compétence non enseignée) a-t-elle pu perdurer?
C'est peut-être parce que certains enseignants ont cru avoir déjà installé cette compétence, d'abord en abordant en 4ème dans deux leçons intitulées grandeurs et incertitude et Notation scientifique et Chiffres significatifs, et ensuite, en prodiguant quelques conseils sur le nombre de chiffres significatifs nécessaires à l'écriture des valeurs numériques
Mais ces savoirs préparatoires, sans liens explicites entre eux, ne sauraient induire la compétence qui permet de résoudre les problèmes sur les seuils de cohérence et d'acceptabilité.
Ce qu'on devrait faire, à mon avis, c'est consacrer à cette compétence une leçon particulière qu'on traitera avec toute la rigueur nécessaire.
Comment remédier à cette situation ?
A mon avis, il suffit de rappeler deux règles et un conseil d'une grande importance.
Rėgle n°1 : Soient a1 et a2 deux déterminations d'une même grandeur avec a1 < a2
Les deux déterminations sont compatibles si
(aa2 - a1)/a1 = X /100 ; X/100 représente le seuil de compatibilité.
Les conséquences :
1° : La valeur de X imposera le nombre de chiffres significatifs pour écrire les nombres a1 et a2 et la valeur de la grandeur.
2° : La valeur de la grandeur qu'on va retenir sera a= (a1 + a2) /2
Règle n°2 : Soient a(r) la valeur de référence et a la valeur à tester
La valeur a est acceptée si écart/a(r) < X /100
L' écart, c'est la valeur absolue de (ar-a)
X /100 represente le seuil de tolérance
Le conseil : Sauf indication contraire, on prendra X = 5 en Physique et X = 10 en Chimie, surtout en Chimie des solutions.
Comme dans la plupart des énoncés, la valeur de X n'est pas précisée, l'élève appréciera l'importance de ce conseil qui lui permettra de poursuivre sa résolution en choisissant X = 5 ou X =10 selon le cas. La méconnaissance de ce conseil l'aurait, à coup sûr, bloqué.
Muni de ce solide bagage, l'élève sera prêt à affronter cette question de seuils, partout, en classe, à l'examen, dans sa vie professionnelle.
Proposons deux petits exercices pour éclairer cette question, un peu trop technique.
Voici l'énoncé du premier exercice :
On a déterminé l'intensité de la pesanteur, à l'issue d'une expérience, et on a trouvé g = 9,6 SI. Cette détermination est-elle compatible avec la valeur g = 9,81 SI ?
Pour la résolution, calculons (9,81 - 9,6) /9,6 = (0,0218..) < 0,03
Le seuil de compatibilité n'est pas fixé par l'énoncé de l'exercice, on est en Physique, alors on prendra X = 5
En remarquant que «(9,81- 9,6) / 9,6» < 5/100, alors on dira que ces deux déterminations sont compatibles au seuil de 5%.
Passons au deuxième exercice : un comprimé devrait contenir 500 mg de principe actif. Peut-on accepter un comprimé dont l'analyse a donné 459 mg, au seuil de 10% ?
Pour la résolution, on calcule l'écart 500 - 459 = 41, puis le rapport écart/ 500 = 0,082
En remarquant que le rapport est inférieur à 10/100, alors le comprimé est accepté au seuil de 10%.
Ces exemples montrent comment c'est facile de résoudre ce type de questions, si on dispose de la bonne information.
Enfin, je ne saurais terminer, sans exhorter la jeune génération d'enseignants à veiller, à surtout veiller, à ne jamais évaluer une compétence sans en avoir soigneusement vérifié l'acquisition.
(*) Oumar Diop Gonz est professeur de Sciences Physiques. Il est de la promotion 1970.
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