Setal suñu rew, un vœu pieux ? - Par Amadou FALL
Si l'on en juge par les images qui ont inondé toutes les chaînes de télévision, ou presque, l'opération « Setal suñu rew», organisée le 1er juin 2024 sur l'ensemble du territoire national, par les nouvelles autorités a été un franc succès. Pourvu que cette initiative qui est loin d'être une première dans notre environnement urbain ne fasse point long feu comme les précédentes, mais se pérennise comme l'engagement en a été fermement pris.
Des opérations ponctuelles de nettoiement se sont déroulées presque toujours dans un grand engouement populaire, mais n'ont jamais suffi à rendre ce pays propre. Une fois terminées, la saleté a toujours très rapidement repris ses droits illégitimes, partout, comme si un coup de balaie ou de râteau n'avait été donné nulle part, par la faute atavique de ceux-là qui étaient à la tâche, des jours plus tôt. Qui plus est, elles sont coûteuses en moyens et en énergie et point rentables, même à court terme.
L'expérience qu'est en train de tenter le Sénégal ressemble à s'y méprendre au programme de nettoyage et de salubrité de l'espace public du Rwanda. Ce programme connaît un formidable succès, grâce à une approche multidimensionnelle qui combine des initiatives gouvernementales, des partenariats communautaires et une sensibilisation accrue des citoyens.
Le Rwanda est ainsi un modèle inspirant pour de nombreux pays africains qui cherchent à améliorer leur environnement et la qualité de vie de leurs citoyens. Il n'y a pas de mal à faire du benchmarking, d'aller chercher des solutions qui ont marché ailleurs et se les appliquer. Le Sénégal s'y essaie depuis quelque temps. L'ancien régime n'est pas arrivé à ses fins. Le nouveau le pourrait-il ?
Peut-être. Mais il lui faudra faire preuve d'une franche volonté politique, à l'instar de son modèle rwandais qui a érigé le maintien de la propreté en objectif national prioritaire, avec des stratégies et budgets spécifiques intégrés dans ses plans de développement.
Un second impératif, et pas des moindres, est la mobilisation des citoyens et l'entretien de leur implication active dans les efforts de nettoyage. C'est dans cette optique que le président Paul Kagamé a institué son « Umuganda », une journée mensuelle de travail communautaire, comme initiée chez nous. Le hic est que la journée rwandaise est « obligatoire ». Dans un Etat de droit comme le Sénégal, il est évident qu'avec le commun des Sénégalais, il faudra s'y prendre autrement que par la contrainte, le travail obligatoire de sinistre mémoire colonial.
Dans ce pays, plutôt que la contrainte abusive, la démarche devrait privilégier des campagnes de sensibilisation ciblées visant à informer et éduquer les citoyens sur les dangers de l'insalubrité, l'importance de la propreté et de l'hygiène, et la nécessité impérative d'adopter des comportements responsables. Comme au Rwanda, des programmes éducatifs sont également à développer dans les écoles publiques et privées, ainsi que dans les daaras, pour inculquer aux jeunes générations des habitudes responsables. C'est un impératif que de semer sur ce terreau, avant que la mauvaise graine de l’insalubrité, fertilisée par méconnaissance et insouciance, ne germe pour nous polluer et asphyxier encore plus.
S'il n'est pas possible d'obliger tous les Sénégalais à participer à des journées mensuelles de nettoiement, rien absolument ne s’oppose à ce que des lois strictes soient adoptées ou réactualisées contre les comportements nuisibles à l'environnement, tels que l'abandon de déchets n'importe où, les déversements illégaux et l'occupation anarchique des trottoirs et espaces libres par des commerces sauvages et des épaves de toutes sortes. Mais il reste évident que si des sanctions ne sont pas effectivement appliquées aux contrevenants, des particuliers, ménages et entreprises continueront de plus bel à fouler au pied les réglementations en matière de gestion et de protection de l'environnement.
Il ne suffit pas de sanctionner, il faut également mettre en place et à disposition l'outillage indispensable. L’Etat devra donc renforcer et améliorer l'existant, en investissant dans la construction d'infrastructures idoines, dont des déchetteries, des centres de tri et de recyclage, et des systèmes de drainage et d'évacuation et d’épuration plus efficaces, pour une meilleure collecte et une meilleure élimination des déchets solides et liquides. Le recours à des technologies innovantes faciliterait également la tâche, comme au Rwanda où, entre autres exemples, des applications mobiles permettent aux citoyens de signaler les problèmes de propreté, de signaler les coupables et de demander l'intervention des services de collecte et d'enlèvement de déchets.
Bien évidemment, l'Etat à lui seul ne pourra pas tout faire. Il aura besoin de recourir à des partenariats avec des organisations du secteur privé, des ONG et des institutions internationales pour soutenir son programme de salubrité. Ces partenariats peuvent lui apporter des ressources financières additionnelles une expertise technique et un soutien en matière de sensibilisation.
En adoptant ainsi, une approche globale qui combine engagement politique, participation communautaire, sensibilisation et gestion efficace, la puissance publique peut créer un environnement durablement plus propre et plus sain pour tous. Alors le leitmotiv « Setal suñu rew! » ne serait pas un vœu pieux…
A découvrir aussi
- L’alphabétisation et son enseignement pendant et après la crise de la COVID-19
- Restitution du sabre d'Elhadj Omar : Non Eric Zemmour, tu as tout faux ! - Par Amadou FALL
- L'École que veulent les citoyens sénégalais – Par Mafakha TOURÉ *
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 94 autres membres