Témoignage et souvenirs d'un Pontin sur Ponty - Par Mamadou WADE*
1- INFORMATIONS UTILES
1.1 Particularité de mon cas
Nom et prénom : WADE MAMADOU, Expert Economiste/Ingénieur-Conseil
Promotion : 1961-1964
En 1963, avec un camarade de promotion nommé Doudou DIOP nous avions été lauréats d’un concours de dissertation en français et philosophie organisé au niveau des pays africains d’expression française.
Mon professeur de français et le célébre professeur de philosophie, Mr Georges Bonnet de l’Ecole William Ponty de Sébikotane, ont eu à me conseiller de faire la Terminale philosophie. Ce qui pouvait m’ouvrir la porte de l’Ecole Normale Supérieure de Paris, en France.
C’est ainsi que j’ai achevé mes études secondaires au collège moderne de Thiès dans la classe de Terminale philosophie qui venait d’être ouverte dans ce collège pour l’année scolaire 1963-1964. Notre professeur de philosophie Mme Gningue, une française m’avait programmé pour Normale Sup’via le Lycée Louis Le Grand de Paris. Avec cet objectif elle m’avait fait bénéficier d’un encadrement particulier (dons de livres à lire et à assimiler en vue d’une formation solide en philosophie).
Toutefois au lieu d’aller à Louis Le Grand, j’ai, en fin de compte, opté pour des études supérieures en Econométrie et en Sciences sociales à Moscou dans l’ex. URSS qui était une des deux plus grandes puissances mondiales.
1.2 Pourquoi mon entrée à Ponty
J’ai fait mon premier cycle de l’enseignement secondaire au lycée à Dakar. Je pouvais y continuer le 2ème cycle, mais ma fréquentation de l’enseignant homme de lettres Abdoulaye Sadji m’a conduit à faire le concours d’entrée à l’Ecole William Ponty. Le célèbre écrivain rufisquois était un cousin à ma mère. Il résidait à Rufisque dont il était l’Inspecteur d’Education. J’étais souvent près de lui pour approfondir mes connaissances. Le fait qu’il a été un ancien élève de « William Ponty » avait retenu son attention, et j’ai souhaité effectuer le même parcours scolaire que lui. Cela m’a poussé à faire le concours d’entrée à Ponty et à le réussir. Sadji a été très content de moi. Il est décédé quelques trois mois après et je lui dois beaucoup. Avec le poète David Diop qui a été mon professeur de français à Dakar, il m’a inculqué l’amour des arts et de la littérature. Un amour qui est resté, jusqu’à présent, vivace en moi.
2. PISTES
2.1 Souvenirs
De mes années à Ponty j’ai gardé des souvenirs inoubliables et fécondants. Le premier est la sensation permanente de me trouver dans un « lieu élyzéen » où le goût des études était très fort. Un lieu où nos capacités de compréhension étaient amplifiées et l’inspiration aisée.
Parallèlement à mes études, je m’adonnais à l’écriture romanesque et à la poésie. C’est ainsi que j’avais eu à écrire un roman et des recueils de poésie dont j’ai, malheureusement perdu les manuscrits pendant mon séjour en Europe.
A propos de l’inspiration précitée, je me souviens qu’à l’approche du crépuscule j’allais m’asseoir sous un arbre avec un ami de même promotion, Yoro Sylla, aux dons de guitariste certains. Il égrenait des mélodies avec sa guitare et m’aidait ainsi à écrire spontanément des poèmes. Un mode que les poètes surréalistes appelaient l’écriture automatique.
2 .2 Camarades de promotion
A Ponty, les élèves se constituaient généralement en «cercles d’amis ». Outre moi-même, notre cercle était composé de Amadou Lamine Diouf, Yoro Sylla, Aliou Diao, Maurice Péreira fils du Surveillant Général, Pathé Samb, Mame Bounama Sall, les mauritaniens Jiddou ould Saleh, Mamadou Diop et Bouboutte, Jean-Baptiste Bassène, Doudou Diop, Amdiatou Koundour, Saliou Baal, Firmin Mancy, Abdoulaye Thomas. Je portais le pseudonyme « RAGGAR » (jeune premier en suédois).
Chaque cercle s’affiliait à une famille logeant au « village » jouxtant l’école et appelé « La Gaule » dans notre langage spécifique de Pontins. On se rencontrait dans les maisons de ces familles pour prendre du thé, causer ou faire des joutes intellectuelles.
Notre cercle était parmi les plus intéressants et attrayants, en raison des dons intellectuels, mais aussi sportifs recelés par ses membres. Concernant le sport, par exemple, trois champions étaient affiliés à notre cercle : Amadou Lamine Diouf au saut en hauteur et au saut en longueur, Pathé Samb au triple saut et au saut en longueur et moi-même (Mamadou Wade) à la course de fond (5000 et 10000m). Je faisais partie aussi de l’équipe de football de l’école et de l’équipe de rugby avec Lamine Diouf. Je pratiquais également le tennis de court
et le baby-foot. Je participais activement aux discussions du ciné-club de Ponty et aux débats qui se tenaient dans le cadre des conférences données à l’école.
Outre les membres de notre cercle, on peut citer sans être exhaustif, parmi les camarades de promotion les noms suivants : Adama Lô, Jean Charles Ly, Moussa Samb, Moussa Konaté, Papa Nalla Niang, Iba Thioye Seck, Amadou Guiro, Habib Ly, Ousmane diop, Oumar Camara, Karamoko Koné, etc.
Pendant mon passage à Ponty j’étais très estimé par mes camarades de promotion, de même que par nos aînés. Dès la classe de seconde j’ai été copté dans le leadership estudiantin de l’Ecole. J’étais aussi le dirigeant du « foyer culturel » et le chargé des achats d’ouvrages pour la bibliothèque. Dans ce cadre, j’ai pu commander, pour la bibliothèque de nombreux livres d’avant-garde (ouvrages de Cheikh Anta Diop, Frantz Fanon, Aimé Césaire, Jean Paul Sartres, Karl Marx, et autres écrivains et essayistes engagés).
2.3. Rapports avec les professeurs
J’étais estimé par plusieurs professeurs, en particulier par Mme Clément professeur de Sciences naturelles, Mr Deschamps, professeur d’Education physique et notre professeur de mathématiques et celui de français. Mme Clément m’invitait souvent à manger, chez elle et me couvait comme son fils.
2.4. « L’esprit Ponty »
Tous les élèves passés par l’école de Sébikotane se sont accordés sur le fait qu’il existait un véritable « esprit Ponty » dans l’établissement et dans ses pourtours. Selon moi, cet esprit était favorisé et renforcé par l’ambiance élyzeenne qui régnait dans les lieux. Les élèves étaient solidaires entre eux et la compétition en matière de performances scolaires intervenait de façon très saine.
La vivacité intellectuelle était largement partagée par les élèves, ainsi que l’esprit vif et créateur et le goût des études. D’ailleurs, c’est forts de ces dons que nous avons eu à inventer nombre de concepts tels que « quel que soit alpha », « il a été shunté » (écarté, isolé) et un « parler » typiquement pontin que nous étions seuls à comprendre entièrement.
L’esprit Ponty était tellement réel que les groupes d’affinités crées à Ponty ont continué, après l’école, à entretenir leurs relations amicales. Tous les élèves ont continué également à garder leurs relations d’antan, sans distinctions de promotions.
(*) Mamadou Wade est de la Promotion 1961. Il est décédé le 6 avril 2023. Paix à son âme.
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